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COMPRENDRE LES ENJEUX DE LA PRESIDENTIELLE AUJOURDHUI, par Nathalie-Krikorian-Duronsoy

 

Le rassemblement populaire de dimanche dernier suivi de l’intervention de François Fillon sur France 2 semblent ouvrir un nouveau tournant de la campagne Présidentielle à droite, éliminant définitivement la possibilité d’un plan B.

 

Ce que nous révèle la situation de François Fillon dépasse de loin sa personne, mais pas au sens où il l’entend. La campagne Présidentielle révèle, avec l’éclatement des partis de gouvernement, la réalité d’une recomposition des idéologies, à droite et à gauche. Elle traduit aussi une indéniable « gauchisation » de l’échiquier politique, que la candidature de François Fillon invite à dépasser.

 

Qu’on vote ou non pour lui, au nom de la démocratie, on pouvait soutenir François Fillon, sous le soleil ou sous la pluie, hier à Paris, Place du Trocadéro.

Un peu plus de 100 000 personnes avaient fait le déplacement, si l’on en croit les premiers chiffres de la Préfecture, puis démentis.

Mais au fond peu importe, car François Fillon semble avoir finalement gagné « au peuple », démocratiquement donc, le bras de fer désigné par Charles Beigbeder comme « un putsch médiatico-judiciaire » engagé contre sa personne et son programme. Un nouvel acte de la campagne Présidentielle de François Fillon semble s’ouvrir.

 

Ce tournant a été négocié en un week-end, entre samedi soir et dimanche après-midi. Par un discours programmatique offensif lors du meeting d’Aubervilliers, puis un rassemblement populaire enthousiasmant, dimanche, suivi d’une intervention télévisée où le candidat Fillon, on ne peut plus légitime et légal, ayant reçu l’onction du Suffrage Universel et plus que le nombre de signatures nécessaires, a affirmé sans équivoque : « Ma candidature avec le projet de rupture que je présente est toujours soutenue par les électeurs de droite et du centre (…) L’élection présidentielle n’a jamais été celle d’un parti. Les arrangements de couloirs sont contraires à la démocratie (…) je constate qu’il n’y a pas d’alternative à ma candidature ».

 

En un mois on avait pu constater, avec les différentes interventions du Président de la République, du premier ministre, et jusqu’au maire de Paris, leur grande amie qui voulait interdire la manifestation de dimanche en soutien au candidat de la droite, l’intérêt quasi jubilatoire qu’ils portaient à la collusion entre lancement médiatique d’une accusation par la presse satirique et sa prise en charge accusatoire par la justice.

 

Sur de simples déclarations médiatiques un nouveau parquet financier ouvre une enquête alors même que les actes condamnés moralement sont légaux, et que les faits incriminés non reconnus font d’un candidat au Suffrage Universel la proie de passions négatives qui s'acharnent sur lui pour des raisons politiques et non pas de justice. Tout cela a été dit.

 

L’homme est livré aux chiens comme le dénonçait François Mitterrand dans des circonstances similaires.

 

Dans un système politique où les idéologies, plus que les idées, dominent désormais les débats, force est de constater que celles issues de la gauche sont dominantes. La recomposition des idéologies a précédé celle de la vie politique où l’on voit désormais les deux grands partis de gouvernement littéralement éclater.

 

Avec d’un côté, Alain Juppé devenu le candidat de droite soutenu par la gauche, s’opposant aujourd’hui à un François Fillon plutôt isolé au sein de son parti et de l’autre, Benoît Hamon élu pour tuer le PS de Mitterrand par son programme radicalement utopiste et extrême-gauchiste que traduit son alliance avec Yannick Jadot. Sans parler de Marine Le Pen qui, en ramenant la République dans le giron de la Nation, a pour ainsi dire clairement gauchisé le parti dont elle a hérité.

 

Par conséquent, derrière les calculs politiques en vue de la prise ou de la conservation du pouvoir pour le pouvoir, nous assistons à autre chose : la mise en cause radicale des fondements philosophiques de l’ancienne division entre la droite et la gauche, avec le renversement de ses valeurs, et des idées qui l’ont fondée.

 

Enfin, quand les médias, dont le rôle est de donner aux citoyens les moyens de se former une opinion, ne s’en tiennent plus à informer ni même à analyser, mais produisent en permanence des prises de positions et des jugements.

 

Quand la justice s’érige en « contre-pouvoir du politique », soutenue par le gouvernement actuel de l’Etat, comme l’a laissé échapper benoitement Benoît Hamon sur BFM, alors la République ne peut être qu’en danger.

 

Dans le sillon de l’Affaire Fillon apparait alors une autre Affaire. Un peu comme avec l’Affaire Dreyfus en son temps. C’est en effet le seul exemple que je vois en dehors de Vichy qui divisât la France en deux, tout en faisant éclater les principes qui opposaient alors la gauche et la droite, créant ce que nous vivons en ce moment : une crise de régime.

 

Ces vastes mouvements, si on les perçoit, nous prouvent que la politique est plus grande que les accords politiciens. Que son objectif n’est pas de persuader les Français de la culpabilité d’un candidat toujours présumé innocent, bien que fort maladroit, mais de les convaincre. Afin qu’ils choisissent par eux-mêmes et en leur âme et conscience celui qui fera le bon Président dont la France a tant besoin pour sortir de l’ornière où les crises économiques et la gestion désastreuse du quinquennat précédent l’ont menée.

 

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies. Membre du conseil scientifique du PRé.

 

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