Alors que l’Europe vit un regain de confiance de la part des populations, les consultations citoyennes lancées par la France tombent à point nommé et permettront de replacer la société civile au cœur de l’UE.
L’Europe a longtemps fait figure de bouc émissaire idéal.
Il faut reconnaître que cette critique a été, et reste encore, largement justifiée. Du pantouflage de l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en passant par les errements sur des dossiers de santé publique comme le glyphosate, l’Union européenne fournit souvent une image pitoyable. Sa piètre réputation est renforcée par un réflexe naturel des gouvernements nationaux à s’approprier les réussites et à rejeter les difficultés vers « Bruxelles ».
Bien que gérant un budget de 160 milliards d’Euros, l’Europe est la seule grande institution internationale à ne pas disposer d’une direction de la communication digne de ce nom ; chacune des institutions européennes possède sa propre stratégie de communication, essentiellement destinée à valoriser ses activités.
Pourtant et en l’absence même d’acte délibéré, le regard porté sur l’Europe est en train d’évoluer.
Récemment la confiance des citoyens a bondi de onze points et les Européens qui déclaraient ne pas faire confiance à l’Europe ont reculé de huit points (chiffres Eurobaromètre 2017). 47 % des Européens ont confiance dans l’Union européenne et 46 % n’ont pas confiance. La marge est infime, mais le renversement de tendance est hautement significatif. Contrairement à une idée largement répandue, nous avons davantage confiance en l’Europe qu’envers nos gouvernements nationaux.
Dans un grand nombre de pays, la montée des partis populistes semble avoir atteint ses limites. Le constat de l’excellence de ces mouvements dans la canalisation des mécontentements populaires commence à être largement contrebalancé par celui de leur incapacité à gérer efficacement, lorsque l’occasion leur en est donnée, les affaires publiques.
Le Brexit a constitué un électrochoc durable. Il a permis de rappeler les nombreuses réalisations (liberté de circulation, droits sociaux, euro, Erasmus, …) et plus globalement de découvrir les dangers des dérives isolationnistes.
La permanence d’une menace, diffuse, mais réelle, sur les frontières de l’Est s’est jointe à la perception d’un gigantesque chaos aux États-Unis. Pour la première fois, les Européens dans leur ensemble et depuis le traité de Rome signé en 1957 découvraient qu’ils ne pouvaient plus, à l’avenir, compter que sur eux-mêmes.
C’est dans ce nouveau contexte que s’inscrit le projet des consultations citoyennes lancées par la France. Ces consultations, qui se dérouleront de mars à octobre, ont recueilli l’accord de participation de 24 des 27 États. L’idée de replacer les citoyens au cœur du mouvement de relance européenne ne peut être qu’encouragée. Une Europe forte ne peut être une Europe des gouvernements, elle doit d’abord être l’Europe des peuples. De multiples débats seront progressivement lancés pour offrir un espace d’expression et d’échanges autour de l’idée européenne.
Le socle d’un repositionnement de la société civile au centre de la nouvelle dynamique européenne n’est pas contestable. Pour qu’elle soit pleinement efficace, quatre conditions doivent toutefois être respectées.
D’abord, ces consultations devront toujours apparaître comme un moyen essentiel pour insuffler un nouveau dynamisme au profit des Européens eux-mêmes. Les États restent sourcilleux sur leur souveraineté. La moindre perception d’un outil qui apparaîtrait essentiellement comme une initiative française et surtout partisane, avec en ligne de mire les prochaines élections européennes, entraînerait une méfiance forte envers la démarche.
Ensuite, ces consultations devront au maximum s’opérer au sein de réels espaces de dialogue. La mise en place de plateformes numériques permet l’expression, mais elle ne facilite pas l’échange. Or, pour le débat d’idées européen, c’est d’un réel dialogue dont nous avons besoin. Si celui-ci ouvre le risque de la confrontation, il est aussi le seul qui ouvre la voie à un réel consensus sur les grands volets des politiques publiques.
Ces consultations doivent également être au maximum représentatives de la diversité des opinions, et surtout des différentes catégories de populations. La relation à l’Europe ne peut être l’apanage d’une élite éclairée, elle doit être le plus largement partagée.
Il sera enfin nécessaire de rapidement organiser les réponses. Rien ne serait pire, à l’image du soufflé qui retombe, que des consultations européennes qui ne seraient pas suivies d’effet. Des engagements forts devront immédiatement être pris après ces consultations sinon les déceptions germeront et l’Europe risquera un important effet boomerang.
Thierry Libaert est conseiller au Comité Economique et Social Européen où il représente la Fondation pour la Nature et l’Homme. Il y est le point de contact de la délégation française. Il est également membre du GIE « Toute l’Europe » et du comité d’orientation des consultations citoyennes.
Il est membre du comité scientifique et du conseil des membres du PRé.
NB : Cet article a également été publié sur EURACTIV
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