Saint Etienne, Barfleur, La Souterraine, Granville, Portishead, Tanger… a priori quel rapport entre ces bourgades, connues ou méconnues, hexagonales ou non, petites cités de caractères ou pas, et le sujet qui m'amène auprès de vous…?
Au fait, j'oubliais, ma mission, si vous l'acceptez, sera de vous emporter sur quelques rivages lointains où l'on parlera culture, euh aussi agriculture… car les deux sont liés… dives bouteilles et mélopées entrainantes vont de paire en ce bas monde.
Mais attention, et vous ne pourrez pas dire par la suite que vous n'êtes pas prévenus, cette mission n'a aucun but utilitaire, n'est ni nécessaire (m'enfin seule l'éternité est nécessaire… sic Platon), ni contrainte… elle est tout simplement… et si aux détours de mes élucubrations, vous y trouvez quelque substantifique moelle à déguster, alors pourquoi pas ?!
Revenons à nos moutons (en ce domaine rien ne vaut l'agneau de pré salé dit-on), quel peut bien être le lien, le fil conducteur entre ces villes citées ci-avant ?
Comme il y a fort à parier que vous allez donner votre langue au chat, et, bien que l'adage dise "Curiosity killed the cat" (en l'occurrence c'est un premier indice !), ceux qui veulent persévérer dans la quête du graal seront bien évidemment récompensés comme il se doit.
Pour les autres, c'est le thème de cette première chronique culturelle. A titre de second indice, je vous informe que les champs que j'aime explorer sont avant tout musicaux. Les chants et les mélodies ont ma préférence sur les planches et les rimes déclamées…
Ce weekend, j'ai redécouvert "Les Voiles", premier et unique album du groupe caennais GRANVILLE, sorti en 2013. Par la suite, je me suis surpris à lister les groupes qui ont pris pour nom une ville de France ou d'ailleurs. Alors, pourquoi ne pas débuter cette série de chroniques et bavardages par une exploration à la fois mélodique et géographique. Un tour de France, d'Europe ou du Monde à la découverte de ces groupes aux noms de villes !
Sur le fond ça peut paraître futile, superflu, inutile, à quoi sert de découvrir pourquoi une ville a un nom de groupe… euh plutôt l'inverse ! Le genre de question, de sujet pour décadent désœuvré pourrait dire certains. Mais après tout l'apanage de la curiosité n'est-il pas de s'interroger, de disserter sur les sujets les plus improbables, sans nécessité impérieuse, juste parce que l'idée a jailli dans notre petite tête.
Toutes ces villes ou villages ont donc leur groupe, enfin plutôt un groupe qui a pris comme nom leur nom !
La première question qui me vient à l'esprit c'est "pourquoi ?", pourquoi pas me répondrez-vous ! Non content de cette sortie sans attrait, j'ai décidé d'approfondir le sujet. Savoir si le nom cachait un amour immodéré pour la cité ou était juste une coïncidence, une commodité de langage ou une ligne marketing ?!
Quand on explore l'univers pop-rock anglo-saxon, on rencontre moults formations aux noms singuliers dont la genèse est parfois baroque mais souvent aussi simple que bonjour.
Pour débuter notre voyage, direction St ETIENNE, formation anglaise des années 90 aux sonorités synthé-pop légèrement trip-hop, originaire de Croydon, et qui doit son nom aux Verts de Saint-Etienne ! Verts mis à l'honneur dès les premières secondes de leur premier album "Foxbase Alpha" (1991), qui débute par un extrait (un "sample") d'"Interfootball", émission sportive du France Inter des années 70/80, présentée par Jacques Vendroux, bien connu à l'époque pour sa sympathie affichée pour l'AS St Etienne !
Imaginez mon étonnement, lorsqu'en 91 je pose le CD (Compact Disc Audio) pour la première fois dans le lecteur (pour les moins de 20 ans, qui peuvent ne pas connaître, je rappelle que l’IPod, Deezer et les clés USB ne sont apparus que bien après le début du 21ème siècle !!!), je découvre donc ce sample sur la première plage du CD.
Pourquoi St ETIENNE ? Tout est dit !
Cela dit leur musique n'a strictement aucun rapport avec la fameuse ritournelle "Allez les Verts“. St ETIENNE est l'un des groupes britanniques les plus prolifiques de sa génération (années 90-2010), et même si leurs singles et albums, d'un style musical à la fois pop, dansant très british flirtant avec le trip-hop, sont surtout connus en perfide Albion, leur notoriété à travers le monde les a amené à deux nombreuses collaborations avec des artistes comme Etienne Daho, Kylie Minogue, ou The Charlatans.
Par contre, malgré le clin d'œil originel à St Etienne, le groupe voue avant tout une passion à Londres, ville sur laquelle ils ont réalisé un documentaire "Finisterre - A Film About London" (2003) qui a reçu de nombreuses éloges dont celles de Ken Livingstone, maire de Londres de l'époque. Le film a ensuite fait le tour des festivals de films indépendants et est sorti en DVD en 2005.
Au final, pour cette première étape, un clin d'œil mais aucun lien affectif ou émotionnel avec la Ville.
C'est tout l'inverse pour l'autre groupe anglo-saxon de la liste, PORTISHEAD.
Originaire de Bristol, formé en 1991, PORTISHEAD est l'un des groupes anglais qui a su donner ses lettres de noblesse à ce style obsédant, hypnotique et dansant à force de "drum and bass" qu'est le Trip Hop. La voix si particulière et envoutante de Beth Gibbons la chanteuse donnant le "La".
C'est Geoff Barrow, pierre angulaire du groupe qu'il forme après sa rencontre avec Beth gibbons (au départ juste un duo) qui est le lien, ce fameux lien entre Portishead et Portishead ! Originaire de cette petite ville côtière du Somerset, à 20 kilomètres au sud de Bristol, cet ancien assistant du studio Coach House Studio où il participa à la production de l'album "Blue Lines" de Massive Attack (autre référence emblématique du Trip Hop), Geoff Barrow est l'un des premiers à utiliser à foison des "samples" (échantillons sonores) pour les mixer avec des enregistrements bruts.
Pour mémoire, et toujours pour les moins de 20 ans, c'est la marque Japonaise Akaï qui va permettre une généralisation de l'utilisation des samples dans les productions des années 90, grâce à la sortie en 1990 du DD1000, le premier échantillonneur financièrement abordable pour les studios et home studios.
Côté ville, Portishead n'est qu'une grosse bourgade de 23000 habitants, dans l'embouchure de la rivière Severn, dont la notoriété est justement due à son groupe ! Avant PORTISHEA, qui avait entendu parler de Portishead ? C'est un documentaire "Welcome to Portishead", signé Pascal Signolet, diffusé en 1998 sur Arte qui le premier nous révèle que le groupe était aussi une ville, et nous fait découvrir l'univers dans lequel Geoff est né et a vécu.
Portishead par la suite va accueillir le tournage de scènes de la série Broadchurch.
Pour cette deuxième étape, le lien est la ville qui a vu naître celui qui la rendit célèbre… enfin aux yeux et aux oreilles des aficionados du Trip Hop et de la bande son des années
90…
Exit Albion, direction la région Centre, plus précisément La Souterraine, deuxième ville de la Creuse (23), qui est devenue ces dernières années le berceau d'un phénomène médiatique
et marketing dans l'univers de la pop underground. Ici ce n'est pas un groupe qui emprunte le nom d'une ville mais un label indépendant français créé par Benjamin Caschera et Laurent Bajon en
2013, qui définissent leur expérience comme un « labo d'observation de l'underground musical français ». Objectif publier des artistes sans traces numériques (absent des réseaux sociaux,
des plateformes musicales, etc…). Plusieurs compilations sont sorties depuis et disponibles sur leur hub numérique.
Eux se chargent de l'exposition médiatique, de sortir au grand jour ces groupes sous le radar ! Depuis 2014, plus de 2000 titres et 450 groupes ont été exposés sur leur plateforme numérique : http://souterraine.biz. Mais de rapport entre nos deux "génies du marketing musical" avec la cité creusoise rien, nada, sauf un lien conceptuel, le symbole de l'underground révélé au grand jour ! La Souterraine, l'underground comme un air de similitude.
Et pour enfoncer le clou, certaines pochettes de leurs productions reprennent le graphique d'anciennes cartes IGN, ou non, de La Souterraine. Comme quoi une bourgade si souvent tournée en dérision, un peu "le trou du cul du monde" (pardonnez-moi l'expression), a pu devenir le centre d'un foisonnement musical et culturel, comme le dit Romain Janvier (Directeur du centre culturel Yves-Furet à La Souterraine) "C’est presque un mouvement culturel à part entière, à la fois musical et graphique. Il y a une esthétique avant-gardiste. C’est du pop art musical ou de la post-pop".
Cette fois-ci nous avons trouvé un lien, un lien fort qui transcende même le concept de départ de nos deux spécialistes du marketing musical puisqu'il rejaillit sur la notoriété même de la ville dont ils ont emprunté le nom !
Autre lieu, autre ville, autre groupe… un groupe qui fait fort ! TANGER nous donne rendez-vous à Barfleur ! En 2003 le groupe TANGER sort l'album "L'amour fol" et nous invite à Barfleur ! Cette fois-ci aurions-nous gagné le "jake pot" ? Deux villes en une, deux ports en un ! TANGER est un groupe de rock français né en 1992 qui compte 6 albums à son actif, "L'amour fol" étant leur quatrième album sorti en 2003.
Leur premier succès "Chloé des Lysses" issu d'un EP de 6 titres sorti en 97, leur apporte une certaine notoriété et le soutien d'Yves Bigot, alors boss du label Mercury. C'est alors que Tanger s'installe à Tanger comme une sorte d'artiste en résidence. Leur style rock empreint de jazz et de progressif leur attire pas mal de collaborations dont celle de David Whitaker (qui travailla pour le Velvet underground), et qui sera l'arrangeur de l'album "Le Détroit" qui sort en 2000. Malheureusement les années 2000 seront comme le chant du cygne pour TANGER, qui perd le soutien d'Yves Bigot qui a quitté Mercury qui comme beaucoup de maisons de disques part à la recherche d'une rentabilité accrue en misant sur l'essor de la télé-réalité des nouvelles stars en délaissant le travail au long cours avec des artistes plus pointus.
De "Barfleur" on ne retiendra qu'un clip tourné en caméra DV en forme de selfie avant l'heure sur la plage de Barfleur, cité normande du Cotentin célèbre pour ses moules…
Je vous l'avais dit que culture et agriculture…
Par contre le lien entre TANGER et Tanger est bien réel, comme le révèle Christophe Van Huffel lors d'une interview en 2012 : "Inspirés par des trips au Maroc et la lumière des toiles de Matisse, ils allaient voir ailleurs.". TANGER love Tanger, enfin un lien fort même si le nom a précédé la ville.
Et puisque nous trainons en Basse-Normandie, traversons le Cotentin de part en part pour retrouver une autre dame de la côte : Granville !
Comme point d'orgue à cette exploration sonore et géographique, direction la mer Noire et son emblématique port : Odessa, qui vous l'aurez sans peine deviné est aussi le nom d'une artiste californienne dont le plus grand fait d'arme reste un titre "I Will Be There" extrait de la bande originale du film "If I Stay", sorti en 2014, et réalisé par R.J. Cutler, et qui reste un fleuron de série "Z". Autant l'avouer de suite, notre quête de l'anneau s'achève par un bide retentissant. De rapport, aucun, entre ODESSA et Odessa, juste une identité de nom !
Mais après tout, quelle idée saugrenue que d'espérer trouver un rapport logique, d'échafauder une théorie, de jeter les bases d'un postulat sur le sujet. Sentimentalité, réminiscence, hasard, souvenirs, marketing, nombreuses sont les raisons qui font qu'un artiste choisit une ville, un port, un état (la plupart des états américains ont leur groupes : Arizona, Kansas, Missouri, Texas, …), une montagne, ou tout autre curiosité géographique comme identité.
Que reste-t'il de cette aventure épique, rien ou presque, comme je viens de le dire, quelle idée saugrenue… vous savez de ces idées qui passent et trépassent parfois sans qu'on s'en aperçoive ! En fait, peut-être juste un prétexte pour vous faire découvrir quelques sonorités qui n'ont pas la chance de faire la une des tabloïds où qui ont déserté cette une depuis une décennie voire plus (PORTISHEAD, St ETIENNE). Une façon aimable et détournée de vous offrir quelques liens hypertextes vous donnant accès à la "culture", à une autre culture… ni pour, ni contre !
Soyez sympa cliquez sur les liens et vous m'en direz des nouvelles. C'est bon le "Feedback"…
A cet instant précis, je suis sûr que certains subodorent le piège, l'entourloupe. Non, rien de tout cela, juste envie d'avoir le vôtre.
*(EP - SUPER 45 TOURS - Claude François, sorti en
juillet 1964)
**(extrait "D'aventures en aventures" - Serge Lama, 1968)
Dominique Painvin est un spécialiste de la communication multimédia. Surnommé "Le Couteau suisse", cet ancien journaliste
musical en radio & presse écrite spécialisée, reporter sur les grands festivals rock, pop, jazz français et européens, chef d'édition dans les années 80 et 90, s’est aussi frotté au
management culturel en oeuvrant pour la promotion du théâtre universitaire (programme "Fous de théâtre" avec la création d'un " Salon de lecture" et la production de spectacles universitaires
dans le "In" du Festival d'Avignon) et celle du monde musical vers le monde universitaire, en collaboration avec les grands festivals (Francofolies de la Rochelle, Eurockéennes de Belfort,
Transmusicales de Rennes, Paléo festival de Nyon, Printemps de Bourges, etc.) et les maisons de disques (labels indépendants, majors compagnies). Dominique Painvin est un contributeur du PRé. Il
co-anime avec le chroniqueur gastronomique Jean-Claude Ribaut la rubrique Tutti Frutti du site du PRé.
Liens web :
Granville
https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/granville-vents-douest/
http://www.chartsinfrance.net/Granville/news-82910.html
On est pas Couché, 6 avril 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=0RJjy1J4BTw
Clip "Jersey" : https://www.youtube.com/watch?v=Lo7BYF_q9Ys
Clip "Le slow" : https://www.youtube.com/watch?v=NWsApQMPHis
Melissa Dubourg avec Bengale
Clip "Playground" : https://www.youtube.com/watch?v=YL4VxNu1SFI
La Souterraine
https://www.lamontagne.fr/souterraine/scene-musique/internet-multimedia/2018/03/01/comment-la-souterraine-deuxieme-ville-de-la-creuse-est-devenue-synonyme-de-pop-decalee-et-branchee_12756048.html
http://www.slate.fr/story/94909/souterraine-compilation-chanson-francaise
Clip de présentation de La Souterraine 2017 (vœux du Maire de la Souterraine, le 3 janvier 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=Y8p_Pg4qOeI
Portishead
Portishead, documentaire : Welcome to Portishead (1998) : https://youtu.be/rElcSg81Qgo
Portishead Live Glastonbury 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=KgzcFZhLxXo
Portishead "Glory Box" Live On Jools Holland (1994) : https://www.youtube.com/watch?v=SVX2adpyInM
Akaï DD1000
http://www.mixound.com/Produits/Akai/DD1000/
St Etienne
Saint Etienne "Finisterre" (Trailer) : https://www.youtube.com/watch?v=Z2RBuOKb9zs
Saint Etienne "Only Love Can Break Your Heart" : https://www.youtube.com/watch?v=vZAajrxvDs4
Saint Etienne "Who Do You Think You Are ?" - live on TOTP 1993 : https://www.youtube.com/watch?v=2wTGi34p02Y
int Etienne "You're in a Bad Way" Live on The Word - https://www.youtube.com/watch?v=wD918eruqyg
Tanger
Clip "Barfleur" : https://www.dailymotion.com/video/xfwqh
http://parlhot.com/a-lirelivre/recits/la-grande-vie-tanger/
Odessa
Clip "I Will Be There" (2014) : https://youtu.be/juzMD1GCAf8
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