L’idée d’un vice-premier ministre est récemment revenue dans l’actualité. François-Michel Lambert, député écologiste de LaREM, président de l’Institut National de l’Economie circulaire, a déposé une proposition de loi pour demander son inscription dans la Constitution, profitant des modifications nécessaires aux évolutions institutionnelles. Cela donne l’occasion de revenir sur cette idée plus de dix ans après son émergence.
· · Une idée du pacte écologique
En 2002 déjà, l’équipe du Comité de veille écologique qui accompagne Nicolas Hulot avait travaillé sur des propositions pour la campagne électorale. Celles-ci furent publiées dans l’ouvrage Combien de catastrophes avant d’agir. Pour préparer la campagne présidentielle de 2007, plusieurs réunions sont alors organisées pour délimiter les mesures que nous souhaitions porter.
Je me souviens d’autant mieux de la proposition de la création d’un poste de vice-premier ministre, qu’elle fut présentée par Nicolas Hulot lui-même et que nombreux s’interrogèrent sur son opportunité.
Un débat fut alors ouvert pour savoir qui serait en charge d’examiner cette idée, de la rédiger puis de la porter auprès des politiques. Au final, comme il n’y avait pas de volontaires, je me proposais pour reprendre et développer cette idée.
Celle-ci fut retenue comme la première des cinq propositions du Pacte Ecologique qui fut publié en novembre 2006. Elle reposait sur le constat de la marginalisation des ministres en charge de l’environnement et qu’un vice-premier ministre permettrait, comme je l’écrivais alors, de « traduire concrètement la priorité du développement durable ». Je proposais ainsi que le vice-premier ministre ait « l’autorité de convoquer chaque ministre pour examiner avec lui ses objectifs, ses actions et ses résultats au regard des critères écologiques »[1].
Mon ami Jean-Pierre Raffin, ex-président de France Nature Environnement et porteur d’une longue expérience de la vie politique me suggéra de rendre la proposition également opérationnelle sur le terrain en faisant en sorte que les préfets ne soient plus sous l’autorité du ministère de l’intérieur, mais soient placés sous la tutelle du vice-premier ministre du développement durable[2].
· Une proposition acceptée par les candidats sur le papier
Tous les candidats signèrent le pacte écologique, mais aucun ne retint réellement l’idée. Malik Larabi et Xavier Marc racontent dans Le moment Hulot[3] les discussions que j’avais eues avec Aurélie Filippetti et Jean-Louis Bianco sur le sujet.
Ils suggérèrent au nom de Ségolène Royal, alors candidate, de nommer deux vices- premiers ministres, l’autre étant en charge des affaires sociales. Nicolas Sarkozy s’en tint à l’idée d’un ministre d’état aux compétences élargies.
· Pour une inscription dans la Constitution
Tous les renseignements que nous avons pu obtenir indiquèrent que la création d’un poste de vice-premier ministre était parfaitement constitutionnelle. Autant la création d’un vice-président de la république ne l’était pas, autant celle d’un vice-premier ministre apparaissait conforme. Rien ne l’indique, mais rien ne l’interdit.
Pour autant, son ancrage institutionnel lui offre une stature supplémentaire. Cela sera en soi insuffisant pour modifier les logiques fondamentales, puisque l’efficacité du ministre en charge des affaires écologiques dépend d’autres critères comme sa motivation, ses compétences, son sens politique et surtout sa relation avec le président de la République. Cela peut aussi être perçu comme un effet d’affichage pour détourner le regard de la lenteur sur laquelle évoluent de trop nombreux sujets environnementaux. Il reste qu’en la matière tout progrès est bon à soutenir. Ce sera beaucoup plus qu’un acte symbolique, comme a pu l’être l’inscription du principe de précaution dans la Constitution française en 2005.
· Et l’Europe
Dans la perspective des élections européennes, je propose que nous portions la même proposition pour une réorganisation de la Commission européenne, avec ici également un vice-président clairement identifié pour porter le sujet de la transition écologique. Les politiques publiques européennes sont beaucoup plus cloisonnées qu’en France et de nombreux sujets comme ceux relatifs aux orientations de consommation durable peuvent être considérablement freinés en raison de l’étanchéité des différentes directions générales.
La France serait bien inspirée de proposer une réforme de la gouvernance européenne afin que les grands enjeux de la transition écologique puissent être enfin inscrits au plus haut niveau européen.
Thierry Libaert est conseiller au Comité Economique et Social Européen où il représente la Fondation pour la Nature et l’Homme. Il est membre du comité scientifique et du conseil des membres du PRé.
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