Force est de constater que le « ni droite, ni gauche » ou encore le « et de droite et de gauche », le défaut d’un projet politique clairement formalisé de la majorité présidentielle, le défaut d’un corpus idéologique régénéré des partis de gouvernement (LR et PS) et le confusionnisme idéologique à gauches qui n’a pas épargné jusqu’à LFI ont conduit la France aux limites d’un certain chaos, et pour le moins à quelque chose qui va bien au-delà d’une grosse déprime.
Rien ne serait plus dommageable si les uns et les autres jouaient le bras de fer : le gouvernement et sa majorité, les Gilets jaunes et ceux qui tentent de les instrumenter. La voie sécuritaire ne pourra évidemment pas suppléer à une réponse politique et le jusqu’auboutisme ne débouchera que sur une impasse.
Comment pourrait-on imaginer une seule seconde qu’il sorte quelque chose de bon de ces rues à Paris qui brûlent, de ces quartiers saccagés, de ces images télévisuelles d’un Paris barricadé, de ces quatorze quartiers déclarés « à risque » par les forces de l’ordre ? On voit bien également la faiblesse du discours qui s’en tiendrait à montrer du doigt les « séditieux » les « factieux » les « putschistes », les amalgamant à ces milliers d’hommes et de femmes venus manifester, souvent pour la première fois, à la fois leur rejet de la politique gouvernementale et leur volonté d’en finir avec ce que le Président de la République a voulu (comme eux !) remplacer : les élites politiques et les partis, mais aussi les syndicats, la droite et la gauche. Mais surestimant ses forces, mésestimant pour le moins que ce projet ne se fait pas en deux coups de cuillère à pot et qu’il convient d’imaginer et de proposer sans plus tarder un nouveau « système ».
La nature politique a horreur du vide.
Le paradoxe, c’est que cette promesse d’Emmanuel Macron qui tarde à se réaliser ajoute à l’exaspération des Français et à l’hystérisation inaugurée sous l’ère Sarkozy de la société française. Plus il tardera à transformer ses promesses électorales, plus il prêtera le flanc à ceux qui ne vont pas manquer de lui reprocher de préparer le terrain à ceux qui l’affrontent aujourd’hui, sans parler de ceux qui tireront les marrons du feu, car il sauront proposer un débouché politique le moment venu : le RN.
En attendant, un jeu bien dangereux, en tous les cas à moyen terme, serait de conforter les extrêmes, les pros de l’agit prop, les ultras de droite et de gauche, les Gilets Jaunes dans un rôle d’avant-garde révolutionnaire, fut-elle réactionnaire, qu’ils pourraient se découvrir.
Le Président, le gouvernement, mais aussi les formations politiques traditionnelles, devront comprendre sans trop tarder le sens historique de ce que les uns et les autres ont provoqué par leur gouvernance, leurs choix politiques, la dissolution de leurs corpus idéologique depuis toutes ces dernières années.
Il faut prendre au sérieux la maladresse avec laquelle a été mené le « cap écologiste » et les insuffisances d’une seule relance économique. Enfin, gouverner n’est pas (que) gérer, telle est la leçon qui est infligée au pouvoir exécutif après 18 mois. Comme est rappelée à tous les acteurs, des oppositions comme de la majorité, l’urgence qu’il y a de refaire de la politique, au sens le plus noble du terme, et ne pas se contenter de verser dans le commentarisme ou de prendre son rond de serviette sur les plateaux TV des chaînes d’infos continue.
Dominique Lévèque est secrétaire général du PRé
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