Comme beaucoup d’ami-e-s, ancien-ne-s militant-e-s de gauche ou toujours d’active, je suis évidemment très ébranlé par la situation actuelle issue du mouvement des « gilets
jaunes ».
J’y vois d’abord un phénomène politique. Au fond, pour résumer, nous avons un président légitime mais sans base sociale et un mouvement radicalisé sans représentation politique.
D’où le sentiment d’une situation presque insurrectionnelle.
Tous ces gens - ceux qui manifestent, ceux qui soutiennent - sont-ils des abstentionnistes ou bien se sont-ils mobiliser en 2017 sur une base dégagiste en votant pour les uns Emmanuel Macron, les autres Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ?
Ils s’aperçoivent aujourd’hui que leur vote ou leur
abstention n’a servi à rien.
L’impératif écologique est évidemment central mais aucun mouvement aucune personnalité pas même Nicolas Hulot ou DCB (Dany Cohn Bendit) ont pu en faire une force démocratique capable d’accompagner la transition indispensable. Yannick Jadot peine à sortir de l’ornière gauchisante dans laquelle Eelv s’est enferrée. François de Rugy qui a plein de défauts est un écologiste conséquent. Sa nomination qui devait être une manœuvre politicienne au point de départ prend une toute autre signification aujourd’hui. Au moins lui, il est là...
Mais où sont les gilets verts, les gilets rouges, les gilets bleus?
Chez les Insoumis soumis à leur apprenti sorcier ?
Chez les nationaux populistes développeurs de haine?
On voit poindre les dangers de ces démagogues
rageurs.
Cependant, c’est maintenant qu’il faut agir et qu’il faut convaincre les forces conservatrices de s’engager dans la transition énergétique et environnementale. Il fallait un débat de société mais faute de cadre politique, y compris et surtout au plus haut niveau de l’Etat, ce débat n’a pas lieu. On a un gouvernement et une présidence post-politique, post démocratique qui manage un appareil d’état technicisé et livré à lui-même. Plus de politique, le technologique se déploie sans orientation et sans prise en compte des rapports de forces. Du coup, à travers les gilets jaunes, la violence revient au premier plan.
Les provinciaux, les ruraux, ceux qui font partie de ce qu’un livre appelait il y a quelques années La France à 20 minutes (1) c’est à dire la France qui se trouve aux marges de la métropolisation et de la cosmopolitisation, s’auto institue comme peuple seul légitime, « peuple réel » diraient certains.
Il y a bien entendu les casseurs, les Ultras Dieudonné, Polnareff, Brigitte Bardot etc. Mais la violence (ou si l’on préfère la révolution) accoucheuse de l’histoire, rôde.
Ce harcèlement pré révolutionnaire est ressenti comme un danger pour la démocratie.
Faute de base sociale, faute de formations politiques démocratiques, les gilets jaunes en viennent à revendiquer leur participation directe au pouvoir et évidemment le départ d’Emmanuel Macron. Leur propre expérience de l’auto représentation les morcèle et ils n’en deviennent que plus rageux. Bien sûr !
Il faudrait un moratoire pour reposer les termes du
débat et des solutions. Mais le monopole légitime de la violence est atteint en plein cœur. L’autorité républicaine est bafouée tous les samedis. Comme recours Macron est obsolète. Comme
fusible le 1er ministre est obsolète. Ça laisse peu de marge de manœuvres. Le mouvement quasi insurrectionnel risque de durer.
Moi, il me semble que nous devrions sortir de notre sidération et reparler politique, repolitiser la situation. Glucksmann ? Pourquoi pas ? Ségolène ? Pécresse ? Dany ? Mais où sont les cadres démocratiques de province ? Où sont les nouveaux Bové, les nouveaux élus locaux?
Où se rencontrer, débattre, remettre de la fraternité pour repartir d’un nouveau pied et faire du moratoire, qui tôt ou tard s’imposera, la base d’un nouvel espace politique respectueux des diversités sociales et idéologiques qui concourent à la démocratie?
Tout le monde a son idée.
En d’autres temps, on aurait appelé ça des « Assises » ou une « Convention », des « Cahiers de doléances ». Les gilets jaunes revendiquent des assemblées citoyennes, quels regroupements démocratiques quelles associations politiques pour faire naître ces assemblées libérées du carcan institutionnel que notre président caricature et dans lequel la France végète?
Ce mouvement de gilets jaunes autant sécessionniste
que désespéré peut-il nous réveiller ?
Comme beaucoup de militants de gauche je n’aime pas le jaune (trop de mauvais souvenirs et de place de l’étoile), pourtant, je respecte ceux qui le portent sincèrement mais qui risquent d’emporter on ne sait où notre République et nos liens sociaux.
Alors, quelle couleur de gilet pour refaire société ?
Michel Yvernat est un spécialiste praticien des collectivités locales.
(1) (1) La France à 20 minutes : La révolution de la proximité de Jean-Marc Benoit, Philippe Benoit et Daniel Pucci, (Ed. Belin, 2002, préface de Pierre Mauroy)
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