TRIBUNE
Le 1er mars 2019 à Bordeaux, lors d’un grand débat régional organisé dans le cadre du contexte social des manifestations des gilets jaunes, le Président de la République avait indiqué que l'année 2020 était trop tardive pour étendre l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » à de nouveaux territoires, répondant alors à une question posée par le Maire de Castillon-la-Bataille en Gironde (la vidéo est ici : http://www.castillonlabataille.fr/grand-debat-rencontre-president-de-republique/).
Il faut rappeler que l'extension de l'expérimentation a été inscrite en septembre 2018 dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Nous avions rencontré la Ministre du Travail fin 2018 qui nous avait indiqué qu'elle demanderait une étude de l'IGAS-IGF qui rendrait ses conclusions avant l'été 2019 (l'étude vient d'être lancée et les auditions commenceront en septembre 2019). Nous attendons toujours du Gouvernement un calendrier clair.
L'annonce du Président de la République à Bordeaux avait rassuré l'ensemble des acteurs, tout comme le déplacement le 17 mars 2019 de la Ministre des Outre-Mer à la Réunion avec le soutien officiel du Gouvernement apporté à la ville du Port ( http://www.ipreunion.com/actualites-reunion/reportage/2019/03/18/combattre-le-chomage-lancement-du-dispositif-zero-chomeur-au-port,99292.html).
Depuis, sans calendrier clair, nous continuons notre mobilisation : animation du comité de soutien parlementaire avec près de 200 parlementaires de tous les groupes (https://www.tzcld.fr/wp-content/uploads/2019/07/CSP-au-23-juil-2019_.pdf), lancement ces derniers jours d'un comité de soutien des élus locaux (https://www.tzcld.fr/wp-content/uploads/2019/07/CS_elus_locaux-24-juil2019.pdf), création d'une pétition nationale, rassemblement aux Invalides le 18 juin dernier.
Sur le terrain, le Gouvernement est régulièrement questionné par les territoires en attente (89 territoires ont délibéré, 200 nous ont déjà contacté : https://www.tzcld.fr/devenir-projet-emergent/). Les réponses apportés sont évasives et il est souvent dit qu'il faudra attendre après les élections municipales pour qu'il n'y ait pas trop de territoires candidats. La France serait gelée jusqu'en avril 2020. Pas trop de territoires candidats pour éradiquer le chômage de longue durée ? Espérons au contraire qu'ils le soient tous !
Alors finalement qui croire ? Le Président de la République qui veut accélérer, passer à l'échelle, ou la Ministre du Travail qui freine des quatre fers ? C'est un comble que la langueur vienne de là où il devrait y avoir de l'ardeur. Récemment à Matignon, un interlocuteur a laissé entendre que le Gouvernement attendait après les élections municipales car les grandes associations ne seraient pas d'accord entre elles sur le calendrier. C'est bien entendu totalement faux puisque nous portons une position unanime votée lors de notre assemblée générale. Il n'y a aucune divergence entre les acteurs qui portent le projet, à part pour ceux qui voudraient nous affaiblir.
Pour bien comprendre, il faut par exemple rappeler l'épisode rocambolesque du début de l'année 2019 où le Ministère du Travail a opposé un véto à la demande de Fonds social Européen porté par Territoires zéro chômeur de longue durée. La raison ? Aucune justifiable. Rocambolesque puisque cette demande faisait suite à une rencontre au plus haut niveau à la commission européenne et que nous avions déposé cette demande suite à cet échange. Finalement le véto a été levé, nous avons perdu trois mois et avons obtenu les financements européens pour préparer le passage à l'échelle. Rocambolesque. Finalement ce qui gêne c'est que la société civile puisse s'organiser pour préparer le passage à l'échelle d'une expérimentation.
Il est aujourd'hui beaucoup plus simple de dialoguer avec les acteurs internationaux (commission européenne, OCDE, …), les plus grandes universités internationales (Harvard, M.I.T, …), et de lancer de nouveaux territoires à l'étranger (récemment à Bruxelles en Belgique) que de dialoguer avec certains acteurs institutionnels qui veulent nous imposer la langueur, la lourdeur et la lenteur. Il est possible que certains pays aillent plus vite que nous alors que la première loi autorisant l'expérimentation dans 10 territoires a été votée en 2016.
Y-a-t-il une aversion aux initiatives locales ? Les lobbys de l'insertion traditionnelle sont-ils toujours aussi actifs qu'en 2016 lorsqu'ils avaient tentés de bloquer la proposition de loi en septembre 2015 ?
Nous savons que l'on ne gagne que les combats que l'on mène, comme en 2016. Nous trouverons donc les appuis solides, en France comme à l'étranger, pour réussir pour les personnes privées durablement d'emploi et leur proposer un contrat à durée indéterminée sur des activités qui n'entrent en concurrence avec personne.
Le Président de la République connaît bien cette expérimentation depuis 2016, il souhaite qu'elle réussisse et a bien compris la nécessité de passer à l'échelle. C'est en dessous que ça coince. Certains des ministres n'ont découvert l'expérimentation que tardivement voire ont eu du mal à se plonger dedans. Nous ne sommes peut-être pas suffisamment ubérisés à leur goût, trop cher car trop humain, ou peut-être trop territorial et pas assez dispositif descendant.
Espérons que le temps fasse son œuvre. Dans tous les cas, nous serons toujours là même quand les ministres auront changé car après tout il sont en contrat à durée déterminée par la nature même de nos institutions. Le chômage de longue durée lui n'est hélas pas éphémère. La durée moyenne de chômage des 850 personnes qui ont été embauchés dans les 10 territoires d'expérimentation était de près de 5 ans.
La défiance ne peut créer que de la défiance, il est grand temps d'essayer la confiance à l'égard de la société civile.
Laurent Grandguillaume est président de l'association nationale " Territoires zéro chômeurs longue durée". Le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) a été porté par ATD Quart Monde en partenariat avec le Secours catholique, Emmaüs France, Le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité avec, dès le départ, une volonté partagée que la conduite opérationnelle de ce projet puisse être ensuite portée par une organisation ad-hoc. L’association a ainsi été créée le 7 octobre 2016 pour animer et développer le projet avec l’ambition de démontrer qu’il est possible à l’échelle de petits territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, en développant des activités utiles pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire. Suite à l’habilitation des 10 territoires expérimentaux par la loi du 29 février 2016, de nouveaux territoires volontaires se mobilisent depuis pour mettre en œuvre la démarche. Il est également vice-pt de la fondation Travailler Autrement, « think tank des nouvelles formes d’emploi », créée à l’initiative des groupes ITG, Alixio et IGS mais également des syndicats (CFDT, UGICT-CGT Cadres...), ainsi que des personnalités de la société civile.
Laurent Grandguillaume fut notamment député (PS) de la Côte-d'Or (2012-17) après avoir été conseiller municipal de Dijon et président du groupe majoritaire PS, adjoint au maire de Dijon, François Rebsamen, délégué à la jeunesse, à la vie associative et à la démocratie locale, vice-président délégué aux finances du Grand Dijon, et conseiller général du canton de Dijon-5 jusqu'en 2016.
Il est l'auteur et le rapporteur de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, dite loi "territoires zéro chômeur de longue durée". Cette loi a été votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat. Laurent Grandguillaume a piloté par ailleurs, en tant que co-président du conseil de simplification pour les entreprises, le chantier national de simplification auprès du Premier Ministre. Il a également été médiateur dans le cadre de deux conflits nationaux : celui entre auto-entrepreneurs et artisans en 2013, sur la sollicitation du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, et celui entre taxis, VTC et plateformes numériques en 2016, sur celle de son successeur Manuel Valls.
Membre du Parti socialiste entre 1996 et 2017, il a été entre autres secrétaire national adjoint aux fédérations, secrétaire national à l'organisation et aux adhésions, puis secrétaire national aux politiques industrielles et à l'entreprise. A la rentrée de septembre 2016, il annonce qu'il ne sera pas candidat aux élections législatives de 2017. En faveur d'une limitation du cumul des mandats en nombre et dans le temps, il souhaite retrouver le secteur privé, et démissionne dans le même temps de son mandat de conseiller municipal de Dijon. Il est aujourd’hui DG Adjt du Groupe Freeland (qui accompagne les professions indépendantes dans leur fonctionnement et développement) présidé par Patrick Levy-Waitz.
Auteur de La gauche a perdu sa boussole, offrons-lui un GPS ! (éd. du Moment, avril 2016) et Je vote ou pas ? (Albin Michel, sept. 2016).
N.B : cet article a également été publié sur le blog personnel de Laurent Grandguillaume : www.grandguillaume.net/
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