Même le pape François a goûté la célèbre andouillette au Champagne de Patrick Maury, décoré plusieurs fois des titres de champion de France, d'Europe et du Monde de l'andouillette de Troyes. La maison Maury a fabriqué une histoire aujourd'hui vieille de cinquante ans, baptisée en juillet 1969 à l'ombre des halles.
Le charcutier-star est toujours là, dans cette petite boutique fleurant les années soixante-dix. Il est resté simple, doué du bel esprit des artisans.
Rencontre avec un ambassadeur, efficace et jovial, de l'art de vivre à la française... et à la champenoise.
« Je vais vous raconter une anecdote, ça m'a fait chaud au cœur. J'assistais récemment au départ, pour une autre affectation, d'un lieutenant-colonel. Et voilà qu'il déclare au cours de la cérémonie : « il y a deux choses qui vont me manquer en quittant Troyes : le champagne et l'andouillette de Monsieur Maury » ». Patrick Maury est ému. Ce n'est pourtant qu'un éloge parmi des milliers d'autres.
Sa boutique de la rue du général de Gaulle, à Troyes, en face des halles, déborde de trophées et de coupes et les remerciements et les louanges, dans les médias, les confréries, les cercles d'experts, pleuvent. Une forêt de lauriers court sur les carrelages de la charcuterie, inaugurée en juillet 1969 lorsque Claude et Irène Maury, ses parents, reprennent « une petite entreprise de charcuterie déjà existante ». Patrick Maury : « J'avais alors six ans et j'étais déjà là à éplucher les oignons avant d'aller à l'école. A l'origine, je devais être électronicien ou menuisier ébéniste. J'ai essayé une journée mais je ne sais pas ce qu'il s'est passé avec le patron, il y a eu un clash, je n'ai pas tout compris ».
A quatorze ans, Patrick revient dans la boutique familiale. « Autant que tu fasses mon métier », lui dit son père. Le fiston n'est pas illico épaté par l'idée : « Au début, je ne voulais pas le faire, on n'avait que le dimanche après-midi en repos, c'était une vie de fou... et ça n'a pas changé ». L'esprit de famille qui baigne ce lieu n'a pas changé non plus. Son épouse, Patricia Maury, est de l'aventure, servant et conseillant la clientèle.
La star de l'andouillette se marre : « Patrick, Patricia, c'est pratique, ça reste dans la même journée de fête. Ainsi, on peut se faire un grand plaisir ce jour là ». Puis il évoque la Saint-Maxime, prétexte d'une autre fête et prénom de son fils et élève. Maxime Maury marche dans les pas du père, il l'a même détrôné en avril dernier, attrapant la première place au concours de la meilleure andouillette de Troyes, organisé à Alençon avec quarante autres participants. Patrick est arrivé second.
Pour que l'élève surpasse tout à fait le maître, que Maxime égale Patrick, il en faudra sans doute encore un peu, du Champagne coulant sur l'andouillette, de l'eau sous les ponts, de l'intestin et de l'estomac de porc fourrant les boyaux. Patrick Maury affiche un palmarès à la Michael Phelps (plus grand médaillé olympique de l'histoire), pour peu que l'art de bien faire l'andouille remplace l'art de vite barboter dans l'eau.
Patrick Maury est le Carl Lewis de l'andouillette, l'Usain Bolt du boudin : plusieurs fois champion de France et neuf fois champion d'Europe, catégorie Andouillette, le Troyen fut aussi sacré champion du monde. Les murs de sa boutique brandissent moult médailles d'or, dans des catégories tout aussi prestigieuses : boudin noir, boudin blanc, pâté de campagne, pâté de foie, suprême de volailles, cochon de lait, jambon blanc. Pour gratiner le plateau, il ajoute les titres de champion international du saumon fumé et champion de France du foie gras de canard, deux années de suite.
Quelle est la recette de ce charcutier probablement parmi les plus titrés du monde ? Les ingrédients du succès sont nombreux : un savoir-faire tiré d'une histoire, d'une longue expérience et perpétuellement entretenu, une attention minutieuse à l'excellence des produits, y compris du Champagne qui arrose ses andouillettes, un temps qu'il ne compte pas, un amour filial pour Troyes, l'Aube, la Champagne, dont il se veut ambassadeur. Sa bonne humeur, sa proximité avec la clientèle et sa fidélité à la philosophie de l'artisan sont aussi les composants de ce qui est, principalement avec le Chaource et le Champagne, l'un des produits-phares de la Champagne conviviale et conquérante. Ses clients arrivent de Champagne et d'au-delà : « Ils viennent de toute la France, mon client le plus éloigné habite à Nouméa ». Japonais et Chinois raffolent de son andouillette, « ils m'en prennent par kilos ». La commercialisation s'effectue exclusivement depuis la boutique troyenne, juste à côté de son laboratoire de fabrication qu'il s'est toujours refusé d'agrandir et de délocaliser, certainement pour ne pas trahir la grande histoire du petit commerce du cœur de Troyes. Patrick Maury : « Je ne fais qu'un seul marché, sur la foire à l'andouillette au mois de mai, à Troyes. Je n'ai pas le temps, ni le matériel, pour me permettre d'être en extérieur. J'ai un débit trop important dans mon magasin ». Un débit qui n'a cessé de prospérer.
Ses titres et médailles ont bâti une renommée française et européenne. Ses apparitions dans les médias, dans
le Chasseur Français, le Petit Futé ou France Info, ont aussi contribué au chiffre d'affaires et à la success-story. Un reportage sur TF1 a notamment fait exploser les ventes. C'était en octobre
2018, à l'occasion de la Semaine du goût. « Avant, j'étais à 700 ou 800 andouillettes par semaine. A partir du jour où je suis passé sur TF1, j'ai fabriqué 1200 andouillettes par semaine.
L'effet TF1 est impressionnant ». Ses andouillettes le sont tout autant. L'effet Maury.
LE COEUR DE TROYES
La boutique de Patrick Maury est large comme une tripotée d'andouillettes. Derrière une vitrine impeccablement alléchante et un minuscule comptoir où trône la caisse enregistreuse électronique, on y tient à huit, peut-être dix. On y vient chercher la bonne chère, cueillir deux, trois conseils de cuisine. Entamez donc votre voyage par la dégustation de la star de la vitrine, la véritable andouillette de Troyes by Patrick Maury, 100% porc (deux tiers d'intestin, un tiers d'estomac), arrosée de Champagne. Après cuisson, recouverte d'un Chaource qui fond sur l'andouillette, elle est d'autant plus auboise et forme un met exceptionnel, chaleureux porte-étendard de la gastronomie champenoise. Plus qu'un militant du bon goût à la mode de Troyes, Patrick Maury est un ambassadeur de sa ville. En deux coups de cuillère à pot, il mitonne une ode à la capitale du vitrail et sauce la déclaration d'un programme de visites des incontournables de Troyes : le canal, ses péniches, la place de l'hôtel de Ville, les sept églises, les rues piétonnes, « le jardin à côté de l'église de la Madeleine, idéal pour se poser. Vous êtes complètement en réflexion tout en étant au cœur de la ville »... N'oubliez pas son quartier, celui des halles, où flotte une atmosphère de fin de Trente-Glorieuses. La place fait quartier, un quartier frais, douillet, interprétant le rôle d'un petit bourg. Les halles font l'église, au centre du village, avec de sacrés paroissiens en rang d'oignons, poissonniers, volaillers, fromagers, viticulteurs, maraîchers, condimentiers, pâtissiers et autres croyants au règne de l'ample assiette et du verre empli. Le reste est un décor simple et fabuleux où cohabitent l'ombre de vastes arbres-parapluies, une terrasse impatiente, fleurie d'une armée de chaises aux aguets, quelques maisons à pan de bois, une enseigne fatiguée, « Au bas chic », coudoyant d'un côté un bistrot joyeux et, de l'autre, ce qui fait ici office de phare : la Maison Maury. VH
Vianney Huguenot est journaliste, chroniqueur, animateur, enseignant à l’Université de Lorraine.
C’est un déambulateur réjouissant : chroniqueur sur France Bleu Lorraine, France Bleu Alsace, Vosges Matin, L’Estrade et Mirabelle TV, Vianney nous fait découvrir les lieux insolites et secrets
de la région Grand Est, nous fait passer la porte de bistrots attachants et des cafés-restaurants de village méconnus, nous fait surtout partager son amour des
rencontres avec beaucoup de talent.
Il donne envie de mettre nos pas dans ses pas.
Vianney Huguenot a écrit une dizaine d’ouvrages.
N.B : Cet article est également paru dans Bonnes Terres N°10
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