EXPLOSION DES DECHETS DANS LE MONDE, par Eric Chevaillier

 

Si rien ne change rapidement, la production mondiale de déchets augmentera de 70 % d’ici 2050 selon le dernier rapport What a Waste 2.0de la Banque mondiale (établi en 2018) (1).

Sous l’effet de l’urbanisation rapide et de la croissance démographique, la quantité de déchets produits chaque année dans le monde devrait grimper à 3,4 milliards de tonnes au cours des trois prochaines décennies,contre 2,01 milliards en 2016.

 

Alors que les pays à revenu élevé ne rassemblent que 16 % de la population mondiale, ils génèrent plus d’un tiers (34 %) des déchets de la planète, indique le rapport qui dresse un état des lieux mondial et régional de la situation. Près d’un quart de la production mondiale de déchets (23 %) est actuellement imputable à la région Asie de l’Est-Pacifique. Le rapport prédit qu’à l’horizon 2050 la production de déchets sera multipliée par plus de trois et plus de deux en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud respectivement.

 

Le problème des déchets est particulièrement critique en ce qui concerne le plastique. Selon le rapport, le monde a produit 242 millions de tonnes de déchets plastiques en 2016, ce qui correspond à 12 % de la production totale de déchets ménagers. Or, en l’absence de systèmes de collecte et de traitement appropriés, ces déchets contamineront et dégraderont les cours d’eau et les écosystèmes pour des centaines, voire des milliers d’années.

 

What a Waste 2.0 souligne l’importance cruciale de la gestion des déchets ménagers pour un développement urbain durable, sain et inclusif, et met en évidence que ce secteur est pourtant souvent négligé, en particulier dans les pays à faible revenu. Alors que dans les pays à revenu élevé, plus d’un tiers des ordures sont recyclées ou compostées, les pays à faible revenu ne recyclent que 4 % des déchets.

 

En outre, en tenant compte du volume des déchets, de leur composition et de la manière dont ils sont gérés, on estime que le traitement et l’élimination des déchets ont généré 1,6 milliard de tonnes d’équivalent CO2 en 2016, soit environ 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

 

Le rapport inscrit la problématique de la gestion des déchets dans le cadre d’un modèle économique circulaire dans lequel les produits sont conçus et optimisés pour être réutilisés et recyclés. La diffusion de l’économie circulaire au sein des administrations nationales et locales donnera lieu au développement de méthodes de gestion des déchets intelligentes et durables qui favoriseront une croissance économique efficace tout en minimisant l’impact environnemental.

 

DES VALORISATIONS POSSIBLES

 

 On sait que la question de la gestion des déchets peut notamment être appréhendée par le biais de l’économie circulaire. Ainsi dénommée, car cette dernière promeut l’approvisionnement durable (concernant le mode d’exploitation/extraction des ressources visant une exploitation raisonnable et efficace des ressources en limitant les rebuts d’exploitation et l’impact sur l’environnement), l’écoconception, l’écologie industrielle et territoriale (qui vise un mode d’organisation interentreprises par des échanges de flux ou une mutualisation de besoins), l’économie de la fonctionnalité (qui privilégie l’usage à la possession et tend à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes), mais aussi la consommation responsable, comme la fin de l’obsolescence programmée des produits et donc l’allongement de la durée d’usage (conduisant au recours à la réparation, à la vente, au don, ou à l’achat d’occasion dans le cadre du réemploi ou de la réutilisation).

Egalement le recyclage qui vise à utiliser les matières premières issues de déchets.

 

Le cas des déchets électroniques

 

Les chiffres sont récents, mais tout est déjà vieux dans le rapport relatif aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) tout récemment publié par l'Université des Nations unies (2). Le neuf, d'abord : nous disposons désormais de données plus précises concernant nos modes de vie connectés. En 2016, le monde a en effet produit 44,7 millions de tonnes de DEEE, soit 4 500 Tour Eiffel. Chaque être humain en produit plus de 6 kilos par an et ce chiffre, en hausse de près de 5% par rapport à 2014, devrait encore croître de près de 7% d'ici 2021. Or le rapport souligne que seuls 20% des métaux contenus dans les DEEE passent par les circuits officiels de recyclage.

 

Le vieux, ensuite : à quelques chiffres près, nous savions déjà tout cela. En 2011, le Programme des Nations unies pour l'environnement avait publié un document pointant les difficultés à réinsérer les métaux, notamment rares, dans les circuits de l'économie circulaire. Huit ans plus tard, les quantités de DEEE ne cessent de s'amplifier et le retraitement des métaux rares demeure faible. Selon les dernières données fournies par la Commission européenne, nous recyclons ainsi à peine plus de 1% du baryte, du béryllium, du cobalt, du gallium, de l'indium, du phosphore, du tantale ou encore du silicium que nous consommons...

 

L'explosion dans les pays du Sud de la consommation d'outils technologiques offre des opportunités réelles de valorisation avec des investissements raisonnables et la création de nombreux emplois.

 

Et celui des déchets plastiques

 

Dans les pays à très faible ressources fiscales, le carburant est souvent très cher, un litre de gasoil est souvent aussi cher qu'en Europe, En même temps, il y a des milliers de tonnes de déchets plastiques qui sont une plaie pour tous ces pays. Les déchets plastique bloquent les canalisations, envahissent les champs, entrent dans la chaine alimentaire, et pourtant le plastique ce n'est que du pétrole transformé. La pyrolyse plastique est un procédé de distillation qui permet de transformer certain des déchets plastiques en carburant. Les déchets sont chauffés à plus de 400°C dans une première cuve et se transforment en gaz. Selon les températures de condensation (refroidissement) de ce gaz, on obtient différents types de carburant : - entre 390 et 170°C, le gaz condensé produit du gazole (diesel). - entre 210 et 20°C, le gaz condensé produit de l'essence. - en dessous de 20°C, il reste du gaz résiduel incondensable qui peut servir à alimenter la chauffe du procédé.

Ces technologies "low cost" ne correspondent pas aux critères de valorisation des déchets dans les pays riches, mais ils sont l'avenir dans les pays les plus pauvres.

 

    Bien sûr l'avenir est de limiter la consommation des plastiques, mais l'augmentation du niveau de vie et des populations rendent certaine la multiplication des déchets plastiques dans ces pays.

Alors, n'attendons plus, mettons en œuvre la transformation des déchets plastiques en carburants.

 

Notes :

 

1) What a Waste 2.0: A Global Snapshot of Solid Waste Management to 2050.

 Le rapport a été financé par le gouvernement du Japon, par l’intermédiaire du Tokyo Development Learning Center (TDLC) de la Banque mondiale. Depuis 2000, la Banque mondiale a alloué plus de 4,7 milliards de dollars à environ 340 programmes de gestion des déchets solides à travers le monde.

 

2) L'université des Nations Unies vise des objectifs bien précis. Elle contribue, par la recherche et le renforcement des capacités, à résoudre les problèmes mondiaux urgents auxquels l’ONU, ses Peuples et ses Etats Membres accordent une attention particulière..

 

Eric Chevaillier, conseil des membres, co-fondateur du PRé, est consultant associé en développement commercial public et privé & économie circulaire (Anviga, « Bureau de réalisation en économie circulaire »). Président de l'ONG Energic, association d'éco-conceptions et gestion déchets.

Eric fut auparavant, entre autres, directeur commercial et de la communication externe d’une société d’économie mixte collectant, traitant et valorisant les déchets, président de l’ORDIF (Observatoire régional des déchets de l’Ile-de-France), etc.
https://www.energic-coop.fr

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    Dominique Lévèque (samedi, 18 janvier 2020 10:29)

    On peut rappeller à propos de transition écologique qu'une nouvelle mission sur la publicité confiée à notre ami Thierry Libaert, membre du CS du PRé et du conseil des membres.
    Thierry Libaert, expert référent en communication, conseiller au Conseil économique et social européen (dont il est le point de contact de la délégation française), membre du Comité d’orientation des Consultations citoyennes et du GIE « Toute l’Europe », membre du conseil scientifique et du conseil des membres du PRé et président de l’Académie des controverses et de la communication sensible, a été chargé avec Géraud Guibert, président de la Fabrique Écologique et conseiller maître à la Cour des comptes, par la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne et sa secrétaire d’État Brune Poirson de formuler des recommandations d’évolution de la publicité afin de l’inscrire dans la logique de la transition écologique. Leur rapport est attendu pour le premier trimestre 2020.
    Cette mission s’inscrit dans le cadre de la Feuille de route pour l’économie circulaire, dont l’une des 50 mesures vise à renforcer la lutte contre la publicité incitant à la mise au rebut prématurée des produits et au gaspillage des ressources. Elle s’inscrit dans la suite du précédent rapport de Thierry Libaert sur la durabilité des produits qui fut présenté à François de Rugy et Brune Poirson le 29 janvier 2019. Obsolescence programmée : le rapport Libaert pousse la réflexion du Gouvernement sur la consommation durable. Elle fait suite également à un rapport qu’il a rédigé sur le même sujet en 2017 pour la Fondation Nicolas Hulot. La publicité est-elle compatible avec la transition écologique ? | Fondation pour la Nature et l’Homme
    Trois objectifs majeurs constituent cette mission :
    • Réaliser un état des lieux des impacts du modèle publicitaire en France, dans ses aspects économiques, sociaux et environnementaux ;
    • Analyser ce qui est fait dans les autres pays (européens et à l’échelle internationale) pour concilier publicité et transition écologique ;
    • Présenter des recommandations d’évolution du dispositif actuel afin de l’inscrire dans la logique de la transition écologique.