Mercredi 27 mai dernier, l’économiste Thomas Piketty, en esquissant dans la presse son plan économique pour "l’après", en a appelé à une antienne qui lui est chère : la taxation des plus aisés.
Les objectifs qu’il décrit sont globalement les miens : sortir de la mondialisation telle qu’elle est, dangereuse pour l’environnement, génératrice d’inégalité, poreuse aux crises sanitaires.
Je remarque une appréciation plutôt flatteuse de l’action menée par le gouvernement (en tous cas venant de Thomas Piketty).
Les mesures de chômage partiel ont atténué l’impact économique de la crise, « mais dans beaucoup de secteurs, l'activité va redémarrer très doucement. Donc on va avoir besoin de la puissance publique pour aider à limiter cette montée du chômage, à créer des nouveaux emplois ». C’est juste ! De même que c’est une action publique forte qui va permettre de remettre à plat les systèmes d’échange, favoriser les procès de production écologiquement soutenables.
Mais pour Thomas. Piketty, cela tient principalement en une mesure phare : rétablir un impôt sur la fortune (ISF).
La revendication n’est pas nouvelle : c’est un totem politique.
La suppression de l’ISF est le crime originel du gouvernement (alors même qu’elle figurait en toutes lettres dans le programme présidentiel).
Son grand cadeau aux « riches », alors même que cette mesure, remplacée par l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) visait essentiellement à réorienter les placements des plus fortunés vers l’économie productive – par opposition à l’économie de rente matérialisée par la propriété immobilière.
Il n’a jamais été question de renoncer à un impôt sur le patrimoine, mais de faire la différence entre le patrimoine qui produit de la richesse et celui qui ne fait que produire des revenus. Pour résumer, il faut orienter l’épargne vers les achats d’action et donc le financement des entreprises.
Les premiers éléments de bilan de suppression de l’ISF montrent qu’elle a été globalement efficace. Depuis sa suppression, l’industrie embauchait à nouveau : chose inédite depuis seize ans, et qui constitue un bon signal.
Mais un examen plus poussé serait utile. C’est d’ailleurs l’engagement que la majorité avait prise lors du vote de 2017. Une clause de revoyure devait intervenir en 2020 et nous connaissons les circonstances qui l’ont empêchée. Elle est toujours à l’ordre du jour. Elle l’est même d’autant plus que la crise économique qui nous attend impose une utilisation productive optimale de l’épargne des Français.
C’est particulièrement cet objectif qu’il faut suivre.
L’enjeu budgétaire est d’une autre portée. Feu l’ISF rapportait deux milliards d’euro de plus que l’IFI. Sans préjuger des gains empochés grâce à la réorientation de l’épargne, nous sommes loin des 110 milliards déjà apportés à l’économie.
Emmanuel Macron l’avait dit dans son programme, en 2017 : il faut soustraire à l'ISF tout ce qui crée de l'emploi, comme l’immobilier, et taxer une partie de l'épargne dormante, comme les assurances-vie.
Aujourd’hui, l’IFI ne touche pas des biens spéculatifs et improductifs tels que les placements financiers et les liquidités ; ni les yachts, avions privés, automobiles de collections, objets précieux et bien spéculatifs (même s’il ne s’agit pas de taxer l’art dans son ensemble, certains tableaux de collection qui peuvent amener à spéculation). Il peut donc être opportun de faire un vrai bilan de l’IFI et faire en sorte qu’il y ait une réorientation, plutôt que de créer un énième ISF qui découragera l’investissement. Il est sans doute possible de reformater l’IFI de façon à en faire un véritable impôt sur la fortune improductive et donc de remplir totalement l’objectif recherché.
Il y a des trous dans la raquette qu’il convient de combler. Vérifions d’abord, et si possible, faisons avec ce que nous avons.
Guillaume Vuilletet est député du Val d'Oise. Auteur d'un rapport au Premier ministre sur la lutte contre l’habitat indigne (2019); Rapporteur pour la Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française (mai 2019); co-rapporteur de la mission d’information commune sur la préparation d’une nouvelle étape de la décentralisation en faveur du développement des territoires (mai 2018). Vice-pt du groupe d'études "Air et santé : Impact sur la santé de la qualité de l'air intérieur et extérieur", Secrétaire du groupe d'études sur l'Antisémitisme.
Guillaume Vuilletet est co-fondateur et Pt d'honneur du PRé.
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