LE POST POETIQUE DE TIMOTHY ADES
Voici encore notre ami le poète-traducteur britannique Timothy Adès…
Le 8 juin 2020 est le 75e anniversaire de la mort de ROBERT DESNOS, victime du typhus au camp de Terezin/Theresienstadt. Il avait soulagé nombre de déportés en leur faisant partager ses clairvoyances imaginaires. Il avait connu d’affreuses violences, Auschwitz, Buchenwald, une marche meurtrière vers l’ouest, Flossenbürg, des mois de travail en esclavage : tandis qu’a Paris libéré, on publie ses 30 Chantefables et ses 50 Chantefleurs. Il avait publié déjà, parfois anonymement, beaucoup de belles et fortes poésies face à l’oppresseur.
En voici une : Ce Coeur qui Haïssait la Guerre (1943) parue dans L’Honneur des poètes.
Ce Cœur qui Haïssait la Guerre
Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat
et la bataille!
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui
des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang
brûlant de salpêtre et de haine
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en
sifflent
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas
dans la ville et la campagne
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres
cœurs battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces
cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un
même mot d’ordre:
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans!
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme
des saisons,
Mais un seul mot: Liberté a suffi à réveiller les vieilles
colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à
la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté
au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la
nuit.
This Heart Which Hated War
This heart which hated war, see now, it beats for combat
and battle!
This heart that once beat only to the rhythm of the tides,
seasons, hours of day and night,
See now, it swells up and sends into the veins a blood
burning with saltpetre and hate
And brings to the brain a noise to make the ears whistle
And this noise cannot but spread through city and country,
Like the sound of a tocsin that summons to uprising and
combat.
Listen, I hear it come back to me, sent by the echoes.
No, it is the sound of other hearts, millions of other hearts
beating like mine across France.
All these hearts are beating to the same rhythm from the
same need,
Their sound is that of the sea pounding the cliffs
And all this blood carries into millions of brains the same
watchword:
Revolt against Hitler and death to his followers!
This heart hated war, its beat was to the rhythm of the
seasons,
But a single word: Liberty was enough to awaken the old
fires of anger
And millions of Frenchmen are preparing in the shadows
for the demands the coming dawn will impose.
For these hearts that hated war were beating for liberty to
the very rhythm of the seasons, the tides, day and night.
Translation: Copyright © Timothy Adès
Timothy Adès est poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.
"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française. Il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.
Timothy Ades est membre du CS du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti et publie régulièrement un post poétique, en général le dimanche en fin d'après-midi.
Dernier ouvrage parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.
Timothy Adès | rhyming translator-poet
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