LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES
VICTOR HUGO, l’homme-océan !
J’ai traduit son dernier livre de poèmes, L’Art d’être grand-père, y compris ‘L’Épopée du Lion’, œuvre pour laquelle la maison d’édition a créé un élégant dépliant illustré.
À Guernesey, au mois de mars dernier, j’aurais dû faire une visite aux écoles, mais pour cause de Covid-19, cela a dû être abandonnné et remis à plus tard ; hier soir, on aurait dû produire le beau drame ci-dessous*, à la faveur d'un spectacle théâtral de #PierreGrammont, en utilisant mes mots anglais. C 'est sur YouTube en français..
Un concours d’art et littérature a cependant pu eu lieu pour les 150 enfants : j’ai eu le plaisir d'être des des trois juges, et aujourd'hui, les gagnants ont été révélés et les enfants ont pu célébrer les résultats lors d'une fête avec des cupcakes lion.
Hugo par Rodin
Voici les premiers vers de ce poème humaniste écrit pour ses petits-enfants mais qui enchante toutes et tous…
* https://www.youtube.com/watch?v=H8gq0wsgAn0 et https://www.youtube.com/watch?v=YcqMaPsr8WE
L’Épopée du Lion
I. Le Paladin
Un lion
avait pris un enfant dans sa gueule,
Et, sans lui faire mal, dans la forêt, aïeule
Des sources et des nids, il l’avait emporté.
Il l’avait, comme on cueille une fleur en été,
Saisi sans trop savoir pourquoi, n’ayant pas même
Mordu dedans, mépris fier ou pardon suprême ;
Les lions sont ainsi, sombres et généreux.
Le pauvre petit prince était fort malheureux ;
Dans l’antre, qu’emplissait la grande voix bourrue,
Blotti, tremblant, nourri d’herbe et de viande crue.
Il vivait, presque mort et d’horreur hébété.
C’était un frais garçon, fils du roi d’à côté ;
Tout jeune, ayant dix ans, âge tendre où l’œil brille ;
Et le roi n’avait plus qu’une petite fille
Nouvelle-née, ayant deux ans à peine ; aussi
Le roi qui vieillissait n’avait-il qu’un souci,
Son héritier en proie au monstre ; et la province
Qui craignait le lion plus encor que le prince
Était fort effarée.
Un héros qui passait
Dans le pays fit halte, et dit : Qu’est-ce que c’est ?
On lui dit l’aventure ; il s’en alla vers l’antre.
Un creux où le soleil lui-même est pâle, et n’entre
Qu’avec précaution, c’était l’antre où vivait
L’énorme bête, ayant le rocher pour chevet.
Le bois avait, dans l’ombre et sur un marécage,
Plus de rameaux que n’a de barreaux une cage ;
Cette forêt était digne de ce consul ;
Un menhir s’y dressait en l’honneur d’Irmensul ;
La forêt ressemblait aux halliers de Bretagne ;
Elle avait pour limite une rude montagne,
Un de ces durs sommets où l’horizon finit ;
Et la caverne était taillée en plein granit,
Avec un entourage orageux de grands chênes ;
Les antres, aux cités rendant haines pour haines,
Contiennent on ne sait quel sombre talion.
Les chênes murmuraient : Respectez le lion !
Epic Story of the Lion
I.The Paladin
A lion had clamped its jaws around a child,
And carried it, unharmed, into the wild
Forest, where streams and birds’-nests are at home.
He’d seized it as one plucks a summer bloom,
Not really knowing why, nor even torn
The skin, through tender-heartedness or scorn;
Contempt, or loving-kindness, or defiance.
They’re serious beasts, and generous, are lions.
The little prince was in a wretched plight:
Raw meat and grass his diet, weak with fright,
He cowered in the cave, half-perishing.
He was the offspring of the local king:
The boy was ten years old, with sweet bright eyes.
The king had just the one child otherwise,
A little baby girl of two; and since
He was quite old, his thoughts were with the prince,
The monster’s prey. The country-folk were awed:
A lion more fearsome than their own liege lord!
A hero wandered in. They told the brave
Man what was up; he headed for the cave.
A hollow where the very sunshine paled,
And entered warily, was the cave that held
The giant beast, complete with rocky pillow.
The wood was in a swamp and in deep shadow,
Set with more branches than a cage has bars,
Dense in the Breton style with tangled briars.
This forest was “right worthy of its consul,”
(Virgil) with menhir sacred to Irmensul;
A jagged skyline ended and began it;
The cave was sculpted out of solid granite,
With mighty oaks for stormy retinue.
Caves detest cities, and to pay their due
May harbour some dark instrument of vengeance.
Respect the lion: the oaks intone the sentence.
Timothy Adès est poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.
"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.
Timothy Ades est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.
Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.
Timothy Adès | rhyming translator-poet
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