Tutti Frutti
Chroniques et rendez-vous culturels, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète
latin Horace. Parfois même humeuristiques sic !
Animés par Jean-Claude Ribaut et Dominique Painvin. Et depuis l'apparition du Covid-19 également par Vianney Huguenot et Timothy Adès, ainsi qu' une participation exceptionnelle de Carole Aurouet.
Aujourd'hui, avec ce "Un mal qui répand la terreur", Thierry Libaert nous livre une face cachée de ses (nombreux) talents...
Cor à gidouille à dix-huit tours ayant appartenu à Boris Vian
Archives Cohérie Boris Vian, cliché Michel Urtado
Ce cor de chasse (trompe d'Orléans à dix-huit tours) a été baptisé « cor à gidouille » par Boris Vian, à qui ces spirales évoquaient la gidouille chère aux pataphysiciens. Vian en jouait parfois lors des rencontres pataphysiques.
Un mal qui répand la terreur
Un mal qui répand la terreur
Mal que le ciel en sa fureur
Le dérèglement climatique,
Puisqu’il faut l’appeler par son nom
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron
Sema partout des scènes de panique.
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés.
On n’en voyait point d’occupé
A chercher la sortie d’une mourante vie
Nul mets n’excitait leur envie.
Le lion tint conseil et dit : mes chers amis
Une plainte a été déposée contre nous
En sa sagesse l’ONU a permis
Qu’un dialogue ait lieu entre nous
L’histoire nous apprend qu’en pareil cas
Une solution puisse être trouvée sans fracas
L’effondrement tant annoncé est arrivé
Il convient d’établir les responsabilités.
Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
Les dégâts dont chacun pourrait être la cause.
Pour ma part, à mon peuple je ne pouvais faire offense
La croissance devait se poursuivre sans pause.
Un dirigeant politique doit être fiable,
Et le mode de vie de mon peuple n’est pas négociable.
Il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi
Pour ma part et le monde des entreprises
L’impératif de compétitivité était de mise
Il fallait empêcher toute entrave à la concurrence
Les contraintes écologiques étaient un obstacle, je pense.
Un baudet climatosceptique prit alors la parole
Les informations n’étaient pas claires, nous avions un rôle
Il ne fallait pas ôter l’espoir, cela aurait été trop dur
Et à l’heure du grand embrasement, de quoi sommes-nous si sûrs ?
Le corbeau, ayant laissé choir son fromage,
Représentait les consommateurs à travers les âges
Nos déplacements, notre alimentation, notre habitation
Cela en termes de CO2 a causé beaucoup d’émissions
Mais nous recevions tellement d’incitations
A toujours accroître nos consommations.
Le singe toujours malin et dirigeant publicitaire
Devant tant d’inepties ne peut plus se taire
Les entreprises nous demandent de vendre et les citoyens de consommer
De la société nous ne sommes que le reflet.
Une vache, qui ne représentait qu’elle-même, vint à son tour
En un pré de moines passant, j’ai souvenance
Que la faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Pour me rassasier, je broutais sur les prés et aux alentours.
Notre organisme fait que nous relâchons ensuite un peu de méthane
Oh très peu, notre estomac de ruminant ne fait pas de nous des pyromanes.
A ces mots, on cria haro sur le bovin
Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’un tel crime ne pouvait rester vain
Emettre du méthane, quel crime abominable
Les pets à répétition furent jugés un cas pendable.
Devant le tribunal des générations futures
Les prises de responsabilité ne seront toujours pas mures.
Thierry Libaert, universitaire, membre du conseil scientifique et du conseil des membres du PRé est Pt de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible (ACCS) et membre du CA de l’Institut des futurs souhaitables.
Auteur d'un récent rapport sur « Publicité et transition écologique » remis en juin dernier à la ministre de la Transition écologique et solidaire.
Dernier ouvrage paru : La communication de crise (Dunod, février 2020, 5eme édition d'un livre paru en 2001).
A paraître (16 sept 2020) : Comment mobiliser (enfin) pour la planète (Ed du Pommier, collec Essais, manifestes)
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