Les temps étant ce qu'ils sont, nous avons dû annuler tous nos évènements extérieurs depuis mars dernier, y compris la manifestation prévue cet automne à l'occasion des 10 ans du Pré, dont nous avons cru un (très court) instant, avant que le second confinement ne douche cet espoir, que nous pourrions peut-être la tenir...
L'occasion de poser quatre questions à Jacques Lemercier, spécialiste des relations sociales, très impliqué dans la lutte contre la pauvreté, infatigable promoteur d'une mobilisation autour des objectifs de développement du troisème millénnaire (Cf. la "Déclaration du Millénnaire" en 2000, à New-York, des 189 États membres de l’ONU). Il vient de finir son mandat au CES européen, l'organe consultatif de l'Union Européenne, où il s'est efforcé lors de ces dernières années, entre autres, de faire de la société civile l'accélérateur de la transition écologique.
Jacques Lemercier est le Président de notre think tank « Pour une République écologique ».
Syndicaliste de longue date, longtemps membre du pôle international de FO, il vient de terminer un second mandat au Comité Economique et Social Européen après avoir siégé pour le compte de FO au Conseil Economique social et environnemental français.
A l’occasion des dix ans du PRé, nous avons voulu lui poser quelques questions.
Propos recueillis par Thierry Libaert
Pourriez-vous rappeler les objectifs de la création de notre think tank et les évolutions significatives depuis ?
En 2010, nous étions plusieurs amis engagés dans l’écologie, mais sans pouvoir nous reconnaître réellement dans un parti politique. Moi-même, j’étais au PS, il y avait plusieurs chevènementistes et bien sûr des écologistes.
Notre sentiment alors était que la gauche devait s'écologiser et que l'écologie politique devait s'approprier pleinement les vertus de la République. Nous trouvions qu’EELV tenait un discours très dogmatique sur les entreprises, et sur le travail en général, et nous voulions faire changer cela. Une première étape a été d'encourager la création d'un courant d’idées dans le parti dirigé alors par Cécile Duflot, notamment avec le soutien de François de Rugy, de François-Michel Lambert, de plusieurs parlementaires, d'élus locaux et de bien d’autres. Notre idée était de faire progresser sous la forme d’une association un mouvement écologiste, social, républicain et surtout non dogmatique. Au parti socialiste, nous étions soutenus par de nombreux responsables pour rapprocher les idées EELV-PS et plus fondamentalement une pensée réellement écologique et sociale.
Cela constitue toujours, avec notre rejet de tous les extrémismes et notre combat pro-européen, le cœur de notre ADN.
Vous avez fait toute votre "carrière" dans le syndicalisme et vous avez toujours eu un engagement écologique fort.
On constate toutefois que derrière les déclarations d’intention, les avancées réellement écologiques et sociales restent minimes. Comment expliquez-vous cette lenteur ?
Il faut d’abord constater que pour de nombreux syndicalistes, l’écologie est longtemps apparue comme un frein pour la croissance, et donc une menace pour l’emploi. Le discours écologique a rarement été très attractif pour le monde syndical. Heureusement, les lignes ont bien évolué.
Vous avez été dix ans conseiller au Comité Economique et Social Européen, quel regard portez-vous sur cette institution ?
J’étais effectivement membre d’un des trois groupes, celui des organisations syndicales et j’ai observé qu’il y avait une réelle volonté d’avancer chez tous les syndicats de l’ensemble des états de l’Union Européenne. Je crois que malgré notre diversité, nous formions le groupe le plus homogène et le mieux structuré.
Jacques Lemercier et Daniel C Esty */ Archives 2015 PRé
Mon grand motif de fierté est d’avoir été un des éléments moteur dans l’unité et la cohésion de l’ensemble de la délégation française. Ce Comité m’a fait prendre conscience que sur un grand nombre de sujets comme l’environnement, l’énergie et la défense, la France avait vraiment besoin de l’Europe.
Comme marge d’amélioration, je pense que nous devrions être davantage force de proposition et être un réel contre-pouvoir à la Commission Européenne. La difficulté est que notre méthode de travail, basée sur le vote d’avis, ne permet pas de proposer une réelle vision européenne. L’an dernier, nous avons émis 190 avis, et même parmi les plus européens de nos concitoyens, il sera difficile de trouver quelqu’un - hors du CESE- capable de citer l’un de nos avis. Je crois qu’il serait donc nécessaire de revoir les méthodes de travail pour rendre les avis plus impactants notamment pour faire face au saucissonnage des dossiers effectué par la Commission lorsqu’elle sollicite l’avis du Comité.
Je pense qu’il faudrait renforcer notre diversité et représentativité. Je ne trouve pas normal qu’au sein de la délégation française, il n’y ait aucun représentant des droits de l’homme, aucun représentant des associations de consommateurs, des mouvements de jeunes, mais aussi des start-ups.
Il existe de nombreux think tank en lien avec les enjeux écologiques. Qu’est ce qui différencie Le PRé des autres ?
D’abord, comme vous l’avez constaté, le PRé est peu présent sur la scène médiatique et moi encore moins. Je pense que la discrétion peut être une condition de l’efficacité et de l’influence. Nous ne faisons pas de prosélytisme pour avoir un maximum d’adhérents, nous ne faisons pas de course aux subventions. Nous ne publions pas de gros rapports car nous savons que les décideurs sont déjà submergés d’informations. Tout cela nous donne une forte liberté. Dans le domaine politique, il ne suffit pas d’être visible pour être influent, c’est même souvent l’inverse. Je pense aussi que notre spécificité réside avant tout dans nos membres, ils viennent d’horizons multiples mais ils se retrouvent tous dans les valeurs de la République au premier desquelles nous plaçons la fraternité.
* Conf-débat petit-déjeuner du 8 décembre 2015 à Paris à la faveur de la Cop 21, avec Daniel C Esty, professeur de droit et de politique environnementale à l’Université de Yale, directeur du Yale Center for Law and Environmental Policy, fondateur du Center for Business and the Environment. Promoteur notamment de l’idée d’une OME (Organisation mondiale de l’environnement) et à l’origine de la conversion du Gatt et de l’OMC à l’idée du lien à établir entre entreprises et environnement.
Daniel C Esty fut le missi dominici Climat et Economie verte de Barack Obama après avoir été son conseiller Environnement lors de la Présidentielle de 2008.
Dan Esty a intégré depuis le conseil scientifique du PRé.
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