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LA CHATTE METAMORPHOSEE EN FEMME, par Jean de La Fontaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

La chatte métamorphosée en femme’ : l’une des Fables de La Fontaine que j’ai traduites en anglais pour ces deux dames talentueuses et charmantes que sont Isabelle Aboulker, pianiste compositeur, et Julia Kogan chanteuse soprano.

Cette fable est extraite du Livre II, fable 18 des "Fables" qui connurent de nombreuses éditions illustrées par François Chauveau (1613-1676), Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), Jean-Jacques Grandville (1803-1847), Gustave Doré (1832-1883), Boutet de Montvel (1851-1913), Benjamin Rabier (1864-1939, par des maîtres de l'estampe japonaise, également par l’imagerie d’Epinal, Willy Aractingi (1930-2003) et, plus près de nous, par Christian Richet, Ivan Lammerant...

Elles marquèrent indubitablement une date dans l'histoire du genre.

Dans son introduction, La Fontaine s'inscrit dans cette longue tradition consistant à recourir aux animaux pour faire passer une critique du pouvoir et de la société ou énoncer une morale, en se réclamant du fabuliste grec Ésope.

Bien que ses fables fussent construites aux fins de l’éducation du Dauphin, fils de Louis XIV, La Fontaine y fit passer ainsi une critique de la société dans laquelle il vivait : "Je me sers des animaux pour instruire les hommes".

 

La Chatte métamorphosée en femme, Chagall

 

Le recueil est divisé en douze livres : les six premiers ont été publiés en 1668, les livres VII à XI en 1678 et 1679, le douzième en 1694.

 

 

Outre ma traduction, je vous en propose une interprétation éblouissante par Isabelle Aboulker et Julia Kogan, à l'occasion de la sortie du double album " Mélodies - Song" (enregistré à Bradford en 2017 pour les 84 ans d'Isabelle Aboulker), déjà évoqué dans un précédent article, réunissant les versions françaises et anglaises.

 

 

 

 

N.B : La Chatte métamorphosée en femme, gouache sur papier, par Chagall (commande d'Ambroise Vollard, marchand de tableaux, à la fin des années 1920. Chagall y travaillera de 1926 à 1927).

 

La Chatte Métamorphosée en Femme

 

Un homme chérissait éperdument sa Chatte ;

Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,

Qui miaulait d'un ton fort doux.

Il était plus fou que les fous.

Cet Homme donc, par prières, par larmes,

Par sortilèges et par charmes,

Fait tant qu'il obtient du destin

Que sa Chatte en un beau matin

Devient femme, et le matin même,

Maître sot en fait sa moitié.

 

Le voilà fou d'amour extrême,

De fou qu'il était d'amitié.

Jamais la Dame la plus belle

Ne charma tant son Favori

Que fait cette épouse nouvelle

Son hypocondre de mari.

 

Il l'amadoue, elle le flatte ;

Il n'y trouve plus rien de Chatte,

Et poussant l'erreur jusqu'au bout,

La croit femme en tout et partout,

Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la natte

Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.

Aussitôt la femme est sur pieds :

 

Elle manqua son aventure.

Souris de revenir, femme d'être en posture.

Car ayant changé de figure,

Les souris ne la craignaient point.

Ce lui fut toujours une amorce,

Tant le naturel a de force.

 

Il se moque de tout, certain âge accompli :

Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli.

En vain de son train ordinaire

On le veut désaccoutumer.

Quelque chose qu'on puisse faire,

On ne saurait le réformer.

 

Coups de fourche ni d'étrivières

Ne lui font changer de manières ;

Et, fussiez-vous embâtonnés,

Jamais vous n'en serez les maîtres.

Qu'on lui ferme la porte au nez,

Il reviendra par les fenêtres.

 

https://www.youtube.com/watch?v=HYpk-yH3LV4

 

Un beau récit : https://www.youtube.com/watch?v=c71xuOGbmB0

 

Offenbach : https://www.youtube.com/watch?v=rjTFi-DM728

 

 

The Cat Transformed into a Woman

 

A fellow had a cat and loved her to distraction,

He found her beautiful and sweet, a huge attraction,

Her miaows were the loveliest,

He was that crazy, that obsessed.

This fellow, then, by weeping and by clamour

By sorcery and arts of glamour

Obtained this boon from destiny,

That one fine day his cat would be

One fine Woman, and that very morning

Mr Silly made her his wife.

 

Such reckless love was never seen,

So crazy had his courtship been.

No lovely lady ever did

Her favourite so fascinate

As did this cat, this newly-wed,

Her husband in his manic state.

 

He billed and cooed, her words were pleasant,

He saw no signs of catness present;

He thought, making worse his bad move,

‘Perfect woman, yes ! That’s my love.’

But next (bis) some little Mice who came and gnawed the carpet

Disturbed the pleasure of the newly-married pair :

Straight away, Madam was right there !

 

She did not catch the little varmints.

When the mice came again, Madam had all her plans laid :

For she had a woman’s appearance,

And the mice were quite unafraid.

She always found it appetising !

Truly, Nature’s force is surprising :

 

It is contemptuous: though time is transient :

The fabric holds its pleat, the perfume-jar its scent.

In vain we try to coax it loose

From its accustomed precedent:

Whatever measures we may use,

We cannot make it different.

 

Your pitchfork or your strap will not

Reform its character one jot,

Or if you wield a great big stick,

No good! For there is no escaping :

You slam your door shut, here’s the trick :

It finds your open windows gaping !

 

 Translation: Copyright © Timothy Adès

 

https://www.youtube.com/watch?v=E8j9vCU3u58

 


- Portrait de Jean de La Fontaine à 69 ans, Huile sur toile ovale H. 81,5 ; L. 65,5 par Jean Rigaud, 1690 (Paris, musée Carnavalet).
- La Chatte métamorphosée en femme, 1668, par François Chauveau (1613-1676), gravure sur cuivre (Versailles, Bibliothèque municipale centrale); cette gravure fait partie des illustrations de Chauveau dans la première édition des Fables, en 1668, qui en fit une par fable.

- La Chatte métamorphosée en femme, vignette, fumé pour l'illustration des "Fables" de Jean de La Fontaine, par Gustave Doré ; A. Bertrand, 1868 (source  :  Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, FOL-DC-298).

- Bronze, 14 x 26.5 cm, de Ferdinand Faivre (1860-1937).

Julia Kagan et Isabelle Aboulker, photographie


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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