Nul tintouin, comme l'ouverture de la chasse ou l'arrivée du beaujolais nouveau, ne sonne l'inauguration de la foire aux promesses présidentielles. Elle s'échelonne au gré des stratégies des uns et des autres. Les éjecteurs précoces, impatients de déballer leur trousse à outils, fréquentent les traîne-savates, conservant les bonnes cartouches pour l'ultime saillie.
Chaque élection présidentielle nous réserve des surprises, loufoques ou austères, géniales, drôles ou parfois glauques.
En 1868, l'avocat, journaliste et poète Paulin Gagne, se définissant lui-même « candidat universel perpétuel, surnaturel et inamovible » promet, pour lutter contre les famines, « une constitution philantropophagique instaurant un droit aux sacrifices sauveurs, ceux-ci
Paulin Gagne
permettant aux gens de se manger les uns les autres ». Gagne, après un séjour a l'asile psychiatrique, finira dans la misère.
En 1893, attentif au sort des viticulteurs algériens (l'Algérie est alors département français), Isidore Cochon envisage un pipeline entre Alger et Marseille « pour que tous les cafés de la métropole puissent profiter du vin de cette colonie ».
Dans un genre plus social, Ferdinand Lop propose en 1946 « des trottoirs roulants pour faciliter le travail des prostituées qui n'auraient plus à faire les cent pas ». Ceux-ci n’iront pas au terme de leur candidature mais leurs saugrenues promesses auront l'effet d'un passeport, ouvrant droit à s'aventurer dans l'arène médiatique.
L'arrivée d'internet dans le dispositif bouleverse la donne, les promesses sont désormais décortiquées et nos mémoires, d'ordinaire si paresseuses, secouées. Un accès rapide à toutes sortes d'archives place les candidats perpétuellement face à leurs contradictions et leurs trahisons, et les médias dans un rôle de super procureur. Au-delà de ce phénomène, les vieux réflexes demeurent et les candidats cultivent toujours avec gourmandise l'effet d'annonce. Frapper l’esprit de l'électorat, de préférence en caressant son poilage dans le bon sens, reste un sésame pour décrocher, sinon les trompettes de la gloire, l'envoûtante mélodie de la renommée. Deux courants cohabitent dans cette course à l'interpellation de l'électeur : les fumeux et les méticuleux. Quand les premiers s'en tiennent aux serments - Mitterrand 1988 et « la France unie », Chirac 1995 et « la réduction de la fracture sociale », Sarkozy 2007 et le « travailler plus pour gagner plus » — les seconds promettent et détaillent.
" Une campagne présidentielle relève souvent du folklore. Une course à
l'échalote pittoresque et burlesque qui pourtant détermine une part de l'avenir de soixante-sept millions de Francais
Quelles mouches piquent donc ces candidats lorsqu'ils jurent qu’il est urgent « que les femmes fonctionnaires soient raccompagnées chez elles après leur service pour protéger leur sécurité » (Ségolène Royal 2007), « qu'on rouvre le bagne de Cayenne» (Nicolas Dupont-Aignant, 2014, 2021), « qu'on double le salaire des enseignants sur un quinquennat » (Anne Hidalgo 2021), « qu'on ferme toutes les centrales nucléaires » (Jean-Luc Mélenchon 2021) ou « qu'on supprime 150 000 postes dans l'administration » (Valerie Pécresse 2021).
Quelle surprenante danse que celle de ces prétendants - brillants énarques, vétérans des assemblées, rompus a toutes les estrades, abonnés à la castagne - louvoyant puis se laissant piéger par la bronca populo-médiatique les pressant de livrer des noms, des lieux, des chiffres et un calendrier, et convertissant leurs engagements en promesses fermes ? Peut-on imaginer une campagne sans promesses ? Un potage fade, une soupe au pistou sans piston ! Une campagne présidentielle relève souvent du folklore. Une course à l'échalote pittoresque et burlesque qui pourtant détermine une part de l'avenir de soixante-sept millions de Francais.
Le paradoxe parait effrayant. Si la promesse reste une figure imposée de toute campagne, il revient prioritairement aux médias la responsabilité d'accompagner les électeurs, non dans le choix d'un candidat, mais dans le tri à faire entre I'hurluberlu et l'éclairé et, d'abord et surtout, entre ceux qui honorent la loi de la République et ceux qui la piétinent.
Remerciements au mensuel l'Estrade https://www.lestrademensuel.fr/
Vianney Huguenot est journaliste, enseignant, formateur. Chroniqueur sur France Bleu Lorraine et France Bleu Alsace, il y anime une émission ("Les rencontres de Vianney Huguenot" ) dans laquelle il nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est. Il anime également " Sur ma route " une émission co-produite par la chaîne de télévision mosellane ViàMoselle TV (anciennement Mirabelle TV) et la TV locale ViaVosges au cours de laquelle, à travers les souvenirs d’enfance et le regard de personnalités, il donne à voir la région Grand Est et nous fait partager son « sentiment géographique » . Vianney collabore parallèlement au Courrier Messin, au mensuel L'Estrade (diffusé sur la Lorraine et le Luxembourg), au magazine trimestriel Bonnes Terres, également à Alea Jacta Est, Cap France, Le Petit Futé...et contribue à la nouvelle revue Court Circuit.
Auteur d'une dizaine d'ouvrages, entre autres : « Les Vosges comme je les aime » (Vents d'Est 2015), « Jules Ferry, un amoureux de la République » (Vents d'Est 2014), « Jack Lang, dernière campagne. Éloge de la politique joyeuse » (Editions de l'aube 2013), « Les Vosges par le cul de la bouteille » (Est livres 2011, préfaces de Philippe Claudel et Claude Vanony).
Vianney Huguenot est un contributeur du PRé. Il co-anime la rubrique Tutti Frutti.
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