De la poussée démocratique à la poussée dictatoriale
Victor Prudent Topanou analyse pourquoi l’Afrique - pour le moins l’Afrique de l’Ouest et l'Afrique centrale - a tant de mal avec la démocratie, pourquoi son idée même est presque tombée de son piédestal, vécue de plus en plus comme une mystification, pourquoi également l’Afrique s’aide si peu elle-même sur les chemins de la liberté et pourquoi elle est si peu aidée par ses alliés et si mal par ses partenaires et ses amis.
Au point que certaines populations ne sont pas loin de choisir d’abandonner la démocratie ou au moins une forme libérale de démocratie. Ou que certains dirigeants ont choisi ces dernières années de constitutionnaliser un texte religieux fragilisant l’équilibre des forces sociales, juridiques et institutionnelles, et contrariant potentiellement les droits internationaux humains.
Victor Prudent Topanou pointe notamment ce qu’il appelle le « dépit démocratique », la trop grande dichotomie ressentie entre le dire et le faire, entre la parole et l’acte, la question de la légitimité des organisations régionales et sous-régionales, le développement d’un sentiment « anti-français ». Et sans doute pourrait-on ajouter à ces éléments d’explication un certain désir de « revanche des armées » qui se traduit ces derniers temps par des putschs en série, au Mali, en Guinée, au Tchad, au Burkina Faso - alimentés par l’échec sécuritaire et la lassitude de populations appauvries, aggravés ici ou là par la faiblesse des institutions étatiques, l’inefficacité ou le défaut de la gouvernance, les effets du dérèglement climatique, de la corruption et du népotisme - demain au Niger ?
Ou « La liberté ne serait-elle qu’un mot qui fait le tour du monde et n’en est jamais revenu » pour reprendre la formule d’Henri Jeanson ?
Junte militaire, Mali
En empruntant à Bernard-Henri Lévy le titre de l’un de ses ouvrages, paru en 1991, « les aventures de la liberté », nous voulons montrer le chemin parcouru par les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest depuis les quêtes démocratiques de la fin des années 1980 et du début des années 1990 à la demande de dictature de ce début des années 2020. Il est vrai que Bernard-Henri Lévy a utilisé ce titre pour raconter des parcours personnels, une « histoire subjective » de quelques intellectuels français tandis que dans notre cas, nous l’utilisons pour illustrer un destin collectif, celui des peuples. En effet, à la fin des années 80, début 90, ce sont les générations des années 60 et 70 qui, lassées des dictatures sanglantes des trois premières décennies post-indépendance, s’étaient battues, voire sacrifiées pour conquérir la démocratie. Certains avaient alors péremptoirement théorisé, à tort, la « fin de l’Histoire » ; elle l’est encore moins depuis la guerre en Ukraine. Depuis quelques mois, cette démocratie est remise en cause dans de nombreux pays y compris au mépris de la mémoire collective. De Conakry à Ouagadougou en passant par Bamako, les militaires ont repris le pouvoir et sont applaudis dans les rues par des jeunes, nés pour la plupart dans les années 90 et plus qui revendiquent le retour à la dictature pour n’avoir jamais connu que la démocratie, quoique imparfaite.
Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? Pour tenter de comprendre cette difficile implémentation de la démocratie en Afrique de l’ouest francophone nous montrerons que l’absence d’unanimité au sein de ses élites intellectuelles et politiques sur l’option démocratique elle-même, encore hélas violemment contestée ainsi que l’environnement régional hostile ne sont pas de nature à favoriser l’éclosion de la démocratie.
I- Une absence d’unanimité autour de l’option démocratique
La violente contestation dont fait l’objet la démocratie, ces dernières années dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, plonge ses racines dans au moins deux séries de raisons, à savoir, d’une part, l’absence d’unanimité au sein des élites intellectuelles et politiques sur l’option démocratique elle-même et, d’autre part, la promesse non tenue du lien organique entre démocratie et développement qui se mesure à l’aune du bilan peu flatteur de ces trente dernières années.
A / L’absence d’unanimité au sein des élites intellectuelles et politiques
Dans les pays de vieille démocratie et malgré les derniers avatars de la démocratie américaine, il existe au sein des élites intellectuelles et politiques une unanimité sur l’option démocratique et en tous les cas, aucun acteur politique majeur n’appelle ouvertement à la fin de la démocratie et à l’instauration de la dictature ; cette unanimité n’existe malheureusement pas encore en Afrique occidentale francophone. Au contraire, on note l’existence de deux courants contestataires de la démocratie ; il y a d’un côté, ce que nous appelons la contestation soft qui est le fait de certains historiens et de certains socio-anthropologues et, de l’autre, il y a la contestation hard qui est le fait de certains économistes et de certains juristes publicistes. Les premiers dénoncent l’importation d’un modèle démocratique venu d’ailleurs qui ne peut qu’échouer parce que secrété dans un environnement social, culturel et historique trop différent tandis que les seconds, soutiennent que l’Afrique n’est pas prête pour la démocratie et qu’aussi longtemps que la finalité de toute société reste le développement, l’histoire de l’humanité n’offre aucun exemple de démocratie qui ait développé une société. Les premiers reconnaissent volontiers des contradictions violentes, voire insolubles entre la culture démocratique et la culture africaine, telles les relations interpersonnelles, le refus de la contradiction et le rapport à la vie tandis que les seconds eux, considèrent qu’un pays pauvre ne peut se permettre le luxe de se démocratiser et suggèrent tout bonnement une « pause démocratique » afin de travailler à développer les pays avant de reprendre les processus démocratiques. Et si les premiers n’ont jamais été en mesure, depuis trente ans, de proposer un modèle alternatif de démocratie actualisé et consensuel tiré de l’histoire africaine, les seconds, eux, conquièrent progressivement du terrain, notamment au sein des jeunes générations qui n’ont jamais connu les affres de la dictature. Au total, ces deux courants contestataires font le lit des élites politiques qui y puisent des arguments intarissables pour tordre le coup à la démocratie et s’éterniser au pouvoir et ce, d’autant plus que les résultats de la pratique démocratique de ces trente dernières années n’ont pas été à la hauteur des résultats escomptés.
B / Le bilan peu flatteur des trente dernières années de démocratie
Au début des années 90, les intellectuels et autres partenaires techniques et financiers de l’Afrique réalisent brusquement que le développement tant recherché par les Etats africains depuis le lendemain de leurs indépendances ne pouvait advenir qu’à la faveur de la démocratisation de leurs sociétés respectives. C’était l’époque où l’on croyait que la démocratie débouchait organiquement sur le développement. De nombreux universitaires avaient alors monté puis dispensé dans les Chaires, Facultés et autres Instituts universitaires, des modules d’enseignement sur ces liens supposés entre la démocratie, les droits de l’homme et le développement.
Conférence de La Baule, Juin 1990
C’était également l’époque où Paris convoquait à la Baule, du 19 au 21 Juin 1990, les Chefs d’Etat et de Gouvernement d’Afrique (16è conférence des Chefs d’Etat d’Afrique et de France) pour, d’une part, les sommer d’engager des transitions démocratiques et surtout pour décréter, d’autre part, ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « conditionnalité démocratique » de l’aide économique et financière.
En réalité, il n’a jamais existé de lien organique entre la démocratie et le développement car une démocratie peut très bien développer un pays comme une dictature aussi peut développer un pays, la différence se situant essentiellement au niveau du coût humain qui est incontestablement plus élevé dans une dictature que dans une démocratie.
" Paris est même accusée, à tord ou à raison, d'avoir offert sur un plateau d’or le Secrétariat général de l’Organisation Internationale de la Francophonie au Rwanda ... et un troisième mandat et peut-être bientôt un quatrième à Alassane Ouattara "
Le résultat des courses, trente ans plus tard, aucun de ces pays n’a été développé et la démocratie a hélas été réduite à sa seule dimension élective avec la désignation périodique des gouvernants à la faveur d’élections malheureusement entachées par la modification intempestive du cadre normatif, la violence suivie d’effusion de sang, la fraude massive et les contestations. Sur le plan économique, la misère, la pauvreté et la faim sont devenues le lot quotidien de trop de citoyens qui, de guerre lasse, périssent en tentant des traversées incertaines de la Méditerranée. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont les pays qui ont ouvertement choisi la voix dite de la « dictature du développement » et non de la démocratie, à l’instar du Rwanda et, dans une moindre mesure, de la Côte-d’Ivoire d’Alassane Ouattara, qui donnent le sentiment de plus progresser dans la voix du développement. De même, la parfaite qualité de leurs relations avec la France a fini par faire croire que la « conditionnalité démocratique » du début des années 90 s’est progressivement muée, au début des années 2010, en « prime à la dictature du développement ».
Paris est même accusée, à tord ou à raison, d'avoir offert sur un plateau d’or le Secrétariat général de l’Organisation Internationale de la Francophonie au Rwanda, pays anglophone s'il en est, et un troisième mandat et peut-être bientôt un quatrième à Alassane Ouattara.
Il est aisé de conclure que dans ces conditions, la démocratie ne peut jamais prospérer dans ces pays, ce qui fonde notre appel à la nécessité d’une éducation populaire à la démocratie car l’environnement régional n’aide pas non plus les choses.
II- Un environnement régional hostile à la démocratie
Dans l’environnement régional peu favorable à l’éclosion de la démocratie, nous entendons, d’une part, l’inexistence d’organisations sous-régionales et régionales crédibles et, d’autre part, l’éclosion d’un sentiment anti-français de plus en plus grand.
A / La crise de légitimité des organisations régionales
La crise de légitimité des organisations
sous-régionales et régionales africaines s’analyse d’un double point de vue historique et actuel. Sur le plan historique, la différence fondamentale entre les pays africains et les pays européens
de l’ancien bloc de l’Est, c’est qu’en 1990, quand la chute du mur de Berlin a précipité les pays dans des processus de démocratisation, les pays de l’Europe de l’Est avaient une boussole nommée
l’Union Européenne à laquelle ils ne pouvaient adhérer qu’après un train de mesures visant à libéraliser aussi bien leur régime politique (démocratie) que leur régime économique (économie
libérale). Les pays africains pour leur part, n’avaient pas ce type de boussole ; ils étaient déjà tous membres de l’Union Africaine créée depuis 1963 et des organisations sous-régionales à
l’instar de la CEDEAO (1) créée depuis 1975 à un moment où ils évoluaient tous sous un régime dictatorial. Le défi qui s’imposait alors à eux, c’était de se défaire de leurs privilèges acquis
sous la dictature et d’écrire les toutes premières pages de la démocratie. Le résultat trente ans plus tard, c’est qu’ils ont eu beaucoup de difficulté à le faire tandis que les pays de
l’ancienne Europe de l’Est, eux ont beaucoup plus avancé aussi bien sur le plan de la démocratie que sur celui de l’économie de marché que les pays africains.
Sur le plan conjoncturel, la question de la légitimité des Organisations sous-régionales et régionales en Afrique se posent avec acuité au regard des sanctions en cours à l’encontre du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso.
En effet, les sanctions prises, par exemple, par l’UEMOA (2) contre le Mali et qui le privent de l’utilisation de sa monnaie, l’un des attributs de sa souveraineté. Il en est de même de celles prises par la CEDEAO et reprises en cœur par l’Union Africaine ; elles apparaissent trop souvent disproportionnées (Mali) et différenciées comme c’est le cas entre le Mali et le Burkina Faso.
L’ensemble de ces sanctions soulèvent de vrais débats, aussi bien sur la forme que sur le fond.
En attendant, elles sont contestées dans la rue par les populations et pour la première fois par des dirigeants au pouvoir sans aucun préjudice pour eux. C’est le cas de la Junte au pouvoir en Guinée qui a très clairement annoncé qu’elle n’entendait pas respecter la fermeture des frontières avec le Mali décidée par la CEDEAO. Il en est de même de la Junte au pouvoir au Mali qui n’entend pas respecter le diktat de la CEDEAO en ce qui concerne la durée de la transition et qui conteste d’ailleurs devant les tribunaux aussi bien les sanctions de l’UEMOA que celles de la CEDEAO. Cette attitude des juntes enclines à ne pas respecter les décisions qui les sanctionnent en dit long sur le déficit, voire la crise de légitimité que traversent ces Organisations.
Mali : manifestations contre la CEDEAO - France 24 (publié le
17/01/2022
En effet, que des peuples cèdent une part de leur souveraineté à des organisations supranationales relève d’une vieille tradition intégrationniste, mais de tout temps et sous tous les cieux ce transfert de souveraineté s’est fait avec le consentement de ces peuples, exprimé par voie référendaire : c’est d’ailleurs ce que prévoient la Constitution de nombre de ces Etats.
Or l’intégration monétaire des pays membres de l’UEMOA ne s’est pas faite avec l’adhésion des peuples et lorsque la France a entrepris d’en modifier les règles de fonctionnement, seule l’Assemblée nationale française en a été saisie : aucune Assemblée nationale de l’un quelconque des huit Etats membres n’a été saisie et ne s’est prononcée.
En plus de soixante années d’indépendance, aucun référendum n’a été organisé pour légitimer le CFA (3).
De même, la CEDEAO n’a jamais organisé le moindre référendum en 47 années d’existence (1975-2022). Même la décision récente de créer une monnaie commune, l’ECO n’a pas été soumise à référendum ; c’est sans doute pourquoi, la France a pu se permettre, ainsi qu’elle l’a fait, d’en vicier le processus. On comprend alors aisément pourquoi, les opposants à la CEDEAO, de plus en plus nombreux, lui opposent un projet de « CEDEAO des peuples ». Même si une « CEDEAO des Peuples » relève d’une construction intellectuelle plutôt confuse, il n’en demeure pas moins que ces revendications relèvent d’un désir profond et légitime d’associer plus souvent les Peuples à sa construction.
Il en est également de même de l’Union Africaine (4) qui n’a jamais organisé de référendum en cinquante-neuf ans de construction régionale (1963-2022).
" Sortir de ces crises récurrentes de légitimité "
Ce qui fait d’elle, au même titre que la CEDEAO et l’UEMOA, une organisation à proprement parler illégitime et anti-démocratique mal placée pour dénoncer la prise illégale et illégitime de pouvoir. C’est pour toutes ces raisons que nous pensons que pour sortir de ces crises récurrentes de légitimité, il est plus qu’urgent d’organiser des référendums, d’une part, sur le CFA dans le cadre de l’UEMOA et, d’autre part, sur les processus intégrationnistes dans le cadre de la CEDEAO et de l’Union Africaine : ils permettront de les investir de la légitimité populaire requise. Mais l’environnement régional défavorable à la démocratie, c’est aussi le sentiment anti-français qui se répand de plus en plus.
B / Un sentiment anti-français de plus en plus grandissant
Au début des années 90, ainsi que nous le rappelions plus haut, Paris pouvait encore indécemment convoquer les Chefs d’Etat et de Gouvernement d’Afrique à la Baule (1990) pour les sommer d’engager des transitions démocratiques et décréter la « conditionnalité démocratique » (5) de l’aide économique et financière. Aujourd’hui, ces temps semblent bien révolus ; la France est désormais indexée comme étant la responsable et la coupable de tous les maux dont souffrent leurs pays et les jeunes manifestent pour réclamer la fin des relations privilégiées, voire même la « déconnexion » de leurs pays d’avec la France. Des actes d’hostilité vis-à-vis des intérêts français sont partout organisés comme ce furent les cas récemment avec le convoi militaire bloqué au Burkina Faso ou encore au Sénégal durant « l’Affaire Ousmane Sonko » (6).
France-Mali : les accords de défense dans le collimateur de la junte - France 24
Dans la foulée, la junte au pouvoir à Bamako menace Paris de remettre en cause les accords de défense (7) signés au lendemain des indépendances et restés jusqu’ici secrets, expulse l’Ambassadeur de France au Mali pour propos jugés « injurieux » et humilie le Danemark qu’il prie de ramasser paquetages et autres bagages et de quitter le sol malien.
Le drapeau russe brandi aux côtés du drapeau malien, Bamako, 27 mai 2021, AFP
Pire, la démocratie est dénoncée comme étant le vecteur par lequel la France perpétue aujourd’hui sa domination sur eux, d’où la nouvelle demande de dictature incarnée à leurs yeux par la Fédération de Russie, sa capacité aussi bien politique que militaire à tenir tête aux Occidentaux. Le soutien aussi bien inattendu que surprenant affiché sur les réseaux sociaux et dans la presse écrite par nombre d’Africains à la Russie dans la crise ukrainienne s’explique, pour une large part, par le rejet de la France qui incarne à leurs yeux l’Occident et sa logique. Et contrairement aux affirmations d’Emmanuel Macron, ces Africains-là ne sont pas seulement manipulés par la Russie : le ressentiment est plus profond et c’est le Professeur Mamadou Koulibaly (8) qui a eu les mots justes pour l’exprimer lorsqu’il affirmait qu’il n’y avait pas en Afrique un « sentiment anti-français mais plutôt un sentiment anti-politique africaine de la France ».
En effet, au Mali et dans les pays de la sous-région, l’on comprend mal, par exemple, que ce soit la Ministre française des Armées qui annonce la première et, bien longtemps avant que les instances compétentes ne se réunissent, les sanctions que prendront la CEDEAO et l’UEMOA contre le Mali. On comprend tout aussi mal que Paris soutienne le changement clanique de régime au Tchad et qu’il condamne les coups d’Etat au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Personne ne comprend davantage que les réformes du CFA soient téléguidées par Paris alors même qu’il ne s’agit pas de la monnaie de la France.
Au total, ces réflexions sur les aventures
de la liberté permettent d’en entrevoir de nouvelles sur la transition démocratique, sa durée, son contenu et sa substance.
NOTES :
(1) CEDEAO : Communauté des États d’Afrique de l’Ouest
La CEDEAO créée en 1975 par le traité de Lagos (Nigéria) compte actuellement 13 Pays membres à part entière (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone, Togo).
La CEDEAO vise à promouvoir la coopération et l’intégration dans la perspective d’une Union économique de l’Afrique de l’Ouest en vue d’élever le niveau de vie, de maintenir et d’accroître la stabilité économique, de renforcer les relations entre les Etats membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain. L’Union Africaine a désigné la CEDEAO comme structure de coordination et de suivi de la mise en œuvre des projets du NEPAD en Afrique de l’Ouest.
Crée au départ dans un but purement économique, la CEDEAO s’est doté dès 1978 de prérogatives diplomatiques et adopte un pacte de non-agression pour aider au maintien de la paix dans la région. Elle sera investie par la suite en outre d’une mission supplémentaire relative au contrôle et à la fabrication des armes. Mais elle peine à devenir, faute essentiellement à la faiblesse des contributions des Etats membres au faible PIB, une vraie puissance économique.
Le Mali a été suspendu de la cédéao suite aux coups d’Etat de 2020 puis de 2021, la Guinée suite à celui de septembre 2021 et le Burkina Faso suite à celui du 24 janvier 2022. On peut noter que le Maroc a demandé son adhésion, tandis que la Mauritanie, après avoir quitté la CEDEAO en 2000, devient membre associée en 2017.
Son siège est à Abuja (Nigéria) et son actuel Pt est Nana Akufo-Addo (Ghana).
(2) UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine
L’UEMOA crée en 1994 est composée de 8 Etats membres (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo). Le 10 janvier 1994 à Dakar, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays de l’Afrique de l’Ouest ayant en commun l’usage du franc CFA (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Sénégal et Togo, auxquels viendra s’ajouter la Guinée-Bissau à partir de 1997) signent un traité portant sur création de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)
Son Siège est à Ouagadougou (Burkina Faso) et son actuel Pt (Pt de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement) est Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire).
(3) Franc CFA : monnaie commune de la Communauté financière en Afrique
Créé officiellement le 26 décembre 1945 par la France du général de Gaulle, le franc CFA était la dernière monnaie coloniale ayant cours. La France a entériné le 20 mai 2020, la fin du franc CFA, perçue comme un vestige de la « Françafrique », un système monétaire régulièrement critiqué au motif qu’il freine le développement du continent africain. La réforme du franc CFA a été négociée tout au long du second semestre 2019 entre la France et les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Elle a répondu aussi à la nécessité de « sortir l’Afrique de la servitude monétaire » (Cf. l’essai: « Sortir l’Afrique de la servitude volontaire – A qui profite le Franc CFA ? » ; sous la direction de de Kako Nubukpo, Martial Ze Belinga, Bruno Tinel, Demba Moussa Dembele, éd. La Dispute, 2016).
Le franc CFA ne disparaît pas complètement : les six pays d’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad), qui forment une zone monétaire distincte, devraient continuer à l’utiliser.
L’Eco est la nouvelle monnaie unique retenue par les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao. Il est prévu que la France continue de garantir la convertibilité de la nouvelle devise, et les Etats membres de l’UEMOA par le biais de la Banque centrale régionale (BCEAO) qui gèrera ses réserves de change comme elle l’entendra, se forgeront ainsi leur souveraineté monétaire. A noter cependant que la mise en place de l’Eco connait quelques retards à l’allumage, ce qui semble traduire notamment des distorsions quant au niveau de volonté politique des dirigeants africains.
(4) UA : Union Africaine
L’Union Africaine est une organisation panafricaine née le 9 juillet 2002 au Sommet de Durban en Afrique du Sud qui compte 55 Etats membres; elle succède à l’Organisation de l’Unité Africaine (créée le 25 mai 1963).
L’UA a suspendu le Mali, la Guinée, le Soudan et le Burkina Faso suite aux coups d’Etat militaires.
Son Siège est à Addis Abeba (Ethiopie) et Macky Sall (Sénégal) est le Pt actuel de l’UA qui succède pour un an à Félix Tshisekedi (Congo).
L’UA vient de participer au sixième sommet Union européenne-Union africaine (17 et 18 février 2022 à Bruxelles) qui a vu l’UE promettre de débloquer 150 milliards d’euros pour le développement des infrastructures sur le continent. Les parties se sont félicitées des conclusions positives de ce sommet. Reste à savoir si elles ne resteront pas lettre morte. Deux sujets de désaccord cependant : Sur les vaccins d’abord, si l’Europe a fait des avancées en disant fournir (d’ici à l’été) au moins 450 millions de doses de vaccins, en annonçant également son intention de mobiliser 425 millions d’euros pour accélérer les campagnes de vaccination, en soutenant à la fois la distribution de doses et la formation des équipes médicales, si en même temps elle s’est engagée à aider le continent africain à produire eux-mêmes des vaccins à ARN messager, répondant en cela à une demande forte des dirigeant de l’UA, il reste que le problème demeure entier, en ce qu’il n’y a toujours pas de levée des brevets des vaccins de programmée. Les dirigeants européens y étant pour l’heure hostiles.
Su les énergies fossiles, les points de convergences restent très éloignés et pour tout dire hors de portée. Le président en exercice de l’UA, le Pt sénégalais Macky Sall n’a pas manqué de rappeler le droit du continent à choisir son développement. « L’Afrique considère qu’elle n’est pas responsable du réchauffement climatique, elle émet moins de 4% de CO2, c’est un continent qui n’est pas industrialisé. On ne peut donc pas exiger du continent qu’il renonce aux énergies fossiles alors que ceux-là même qui sont responsables de la pollution continuent d’utiliser des sources plus énergivores et polluantes.
(5) La conditionnalité démocratique : « Depuis quelques années, l’Union européenne (UE) a introduit dans sa politique avec les Etats tiers la conditionnalité démocratique. Nouvelle politique, elle est devenue primordiale pour l’Union après la Chute du mur de Berlin et la fin du communisme dans le Monde. En parallèle à ces bouleversements mondiaux, la Communauté européenne (CE) amorce des changements internes. L’Union européenne est née et avec elle la volonté de faire de l’Europe un acteur de premier ordre sur la scène internationale. De plus, voyant les pays de l’Est s’ouvrir au monde et à elle, la Communauté a recentré ses intérêts sur ses voisins les plus proches, futurs membres ou pays de sa "zone d’influence".
Face à ces changements, l’Union introduit dans ses accords avec les Etats tiers une "clause droit de l’Homme" qui concrétise la conditionnalité démocratique. Pour les pays candidats, cette conditionnalité reprend les exigences en vue d’être membre. Pour ses proches voisins, la conditionnalité démocratique devient une voie concourant à la paix et à la prospérité. Enfin, pour ses partenaires de toujours, les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifiques (ACP), la conditionnalité permet à l’Union de mettre en oeuvre une réorientation de son aide au développement. » (Ode Jacquemin in « La conditionnalité démocratique de l’Union européenne. Une voie pour l’universalisation des droits de l’Homme ? Mise en œuvre, critiques et bilan » CRIDHO Working Paper 2006/03, Université catholique de Louvain, Faculté de droit Centre de philosophie du droit, Cellule de recherche interdisciplinaire en droits de l’homme).
(6) "Affaire Ousmane Sonko" : A propos de la plainte pour « viols et menaces de mort » qui vise le principal opposant au Sénégal, Ousmane Sonko, leader du parti d’opposition Pastef-Les Patriotes (Les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) suivie de son arrestation en mars 2021, alors qu’il se rendait à la convocation du juge d’instruction, et qui a donné lieu à plusieurs manifestations et heurts dans le pays.
(7) Le Accords de défense signés au lendemain des indépendances : la France maintiendrait de nombreux accords de défense avec les pays de son ancien « pré carré ». Ces accords sont classés en différentes catégories, du simple échange de lettres à l’accord de défense secret, en passant par les différentes formes de convention technique, d’accord de coopération ou d’assistance militaire. En 2000, l’Assemblée nationale française se penchait pour la première fois sur le dossier. Sept pays maintenaient alors en vigueur le cadre juridique défini entre 1959 et 1961 : accord spécial de défense avec le Cameroun, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire (plus une convention relative au maintien de l’ordre), le Gabon (plus convention maintien de l’ordre), le Sénégal, le Tchad (convention spéciale de maintien de l’ordre) et le Togo (accord de défense).
Signé en urgence, l’accord de 2013 entre la France et le Mali est entériné le 16 juillet 2014 à Bamako, lors de la visite du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian au président Ibrahim Boubacar Keïta. Calqué sur le modèle de traités déjà conclus entre le Mali et plusieurs de ses partenaires africains (Cameroun, Togo, République centrafricaine, Gabon ou bien encore Sénégal), cet accord vise à établir une coopération sécuritaire renforcée sur le long terme. Il prévoit de "concourir à une paix et une sécurité durables, notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre le terrorisme". Il permet également l’accès au territoire malien, "y compris ses eaux territoriales et son espace aérien", avec le consentement préalable de l’État. Prévu pour une durée de cinq ans, ce traité est reconduit tacitement ménageant aux parties la possibilité de l'amender.
(8) Pr Mamadou koulibaly : économiste (agrégation de sciences économiques en 1987 à l'université Aix-Marseille III) et enseignant-chercheur ivoirien. Egalement homme politique : fondateur de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER), parti politique libéral progressiste d'opposition parlementaire qu'il a créé en juillet 2011, prônant la démocratie et l'économie de marché. Il fut ministre du Budget, puis de l’Économie et des Finances, élu député de Koumassi (commune d'Abidjan) lors des législatives de décembre 2000, puis président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire en janvier 2001, fonction qu’il exercera pendant 11 ans. Auteur de plusieurs ouvrages dont La responsabilité politique: le cas de la Côte d'Ivoire (L'Harmattan, 2011).
Victor Prudent Topanou, docteur en sciences politiques, est maître de conférences de Science politique à la Faculté de droit et de science politique de l’Université d’Abomey-Calavi, Bénin (FADESP/UAC).
Membre du « groupe de Fribourg » (groupe international de recherche, d’experts, artisan de la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels de 2007 « Déclaration universelle des droits culturels » lancée les 7 et 8 mai 2007 au sein de l’Université de Fribourg et au Palais des Nations Unies à Genève), Victor Prudent Topanou fut Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l'Homme du Bénin (2008-10).
Auteur notamment de « Boni Yayi ou le Grand Malentendu » (L’Harmattan, 2012), et « Introduction à la sociologie politique du Bénin » (L’Harmattan, 2013).
Victor Prudent Topanou est membre du conseil scientifique du PRé.
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