Après avoir longtemps été remisée, on se souvient que les eurodéputés avaient voté en 2019 contre la constitution de listes transnationales aux élections européennes, l'idée progresse enfin. Soutenue par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne, l'idée consistait alors à attribuer une partie des sièges libérés par les Britanniques à des parlementaires élus par les électeurs de toute l’Union au terme d’une campagne paneuropéenne. Les partisans de cette formule considéraient qu’elle favoriserait le développement d’une démocratie européenne en « européanisant » le scrutin. Ses adversaires redoutaient de leur côté qu’elle n’éloigne encore davantage les eurodéputés des citoyens de leurs pays.
L’ancien chef du gouvernement italien Enrico Letta, président de l’Institut Jacques-Delors, avait alors estimé qu’en refusant à une assez large majorité, le principe de listes transnationales le Parlement européen avait cédé à « un réflexe de peur » de voir l’Europe évoluer vers plus de démocratie. « On n’a pas encore compris, avait dit celui qui aujourd'hui défend l’idée d’une confédération pour répondre aux aspirations européennes de l’Ukraine, que la réponse au populisme anti-européen n’est pas le recul » mais plutôt la relance d’une « dynamique politique » dont l’idée de listes transnationales est porteuse. Le vote des eurodéputés contre une « européanisation » du scrutin s’inscrivant de son point de vue dans une « renationalisation des politiques européennes » étriquée.
Il est vrai que la division des pro-européens, dont une partie pouvait apparaître comme apeurée à l'idée de parler un langage pro-européen était apparue comme on ne peut plus regrettable.
Depuis, et sans doute la crise de la Covid et ses conséquences, ainsi que la guerre en Ukraine ont finalement joué comme des accélérateurs, les choses ont grandement évolué.
C’est ainsi que la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a voté (19 voix pour, 9 contre et 0 abstention), lundi 28 mars 2022, l’instauration de "listes transnationales" pour les prochaines élections européennes de 2024. L’idée avait réémergé dans le cadre de la Conférence pour l’avenir de l’Europe et qui est soutenue par l’Allemagne et la France. L’idée est que chaque électeur déposerait deux bulletins dans les urnes : l’un correspondant aux listes nationales, comme aujourd’hui, et l’autre à des listes transnationales uniques, comportant des représentants des différents pays. 28 députés seraient issus de cette nouvelle circonscription européenne.
"Ces listes devront respecter la représentation géographique afin que les plus petits États membres ne soient pas désavantagés", précise le Parlement, dans un communiqué.
Le texte fixait par ailleurs au 9 mai la date commune du vote aux élections européennes, dans l’ensemble des États membres.
La proposition vient donc d’être adoptée lors d’un vote du Parlement avant de devoir l’être à l’unanimité par le Conseil.
C'est une avancée sans conteste vers une démocratie européenne. Il ne faudra pas oublier chemin faisant de continuer à mieux parler aux peuples des états membres, de mieux les écouter pour qu'ils s'approprient culturellement et politiquement l'idée même d'Europe. Les choses s'améliorent du reste. Thierry Libaert, président du conseil scientifique du PRé revenait l'an dernier sur une idée reçue, ici même, en nous disant que depuis plus de quinze ans que les données existent, les citoyens européens déclarent avoir davantage confiance dans l’Union Européenne que dans leurs propres institutions. Au début de 2021, 49 % des Européens ont confiance dans l’Union Européenne contre seulement 36 % envers leur gouvernement. Ensuite, loin de se dégrader, la relation de confiance tend à s’améliorer. Entre l’été 2019 et l’hiver 2020, les Européens sont 6 % de plus à faire confiance en l’Europe, ce qui représente le niveau le plus élevé depuis 2008. Alors que la méfiance envers les gouvernements nationaux augmentait de 4 points (2019-2020), celle envers l’Union Européenne baissait de 5 points. Il ajoutait non sans raison qu'un indice de ce renouveau pouvait être trouvé de surcroît dans le taux d’abstention aux élections européennes de 2019, le plus faible depuis 1994 avec un taux de participation en hausse de 8 % depuis la précédente élection de 2014 dans l’ensemble de l’Union Européenne et pour la France.
L'opportunité est aujourd'hui donnée d'écrire et de faire partager un nouveau récit européen dans lequel les nations, mais aussi les peuples pourront enfin s’inscrire.
C'est plutôt une bonne nouvelle !
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