"When it comes to rich countries taking the environment seriously, I say : vive la France"
Par George Monbiot, chroniqueur au Guardian et l’auteur de "Feral, Regenesis and Out of the Wreckage : a New Politics for an Age of Crisis".
Georges Monbiot avance que "le gouvernement d'Emmanuel Macron fait au moins le strict minimum pour éviter la crise planétaire – et fait honte au Royaume-Uni"
23-06-2023
Alors que nous restons fascinés par une poignée d'égoïstes nécessiteux à Westminster et les crises qu'ils fabriquent, de l'autre côté de la Manche, une révolution est en train de se produire. C'est une révolution calme, sobre et réfléchie, mais une révolution quand même. La France cherche à se transformer en civilisation écologique.
Comme tous les gouvernements, l'administration française devrait aller plus loin et plus vite pour s'attaquer à la plus grande situation difficile à laquelle l'humanité ait été confrontée : l'effondrement croissant des systèmes terrestres. Mais vous pouvez mesurer le sérieux du plan du gouvernement à son engagement institutionnel. La France dispose désormais d'un ministère de la transition écologique. D'ici la fin de l'année prochaine, les 25 000 plus hauts fonctionnaires du pays auront été formés aux principes de cette transition. D'ici la prochaine élection présidentielle, en 2027, tous les travailleurs du secteur public auront suivi cette formation, adaptée à leur secteur.
Pensez-y : 5,6 millions de personnes seront sensibilisées à la crise de la biodiversité, à la crise climatique et à la crise des ressources naturelles – comment ces phénomènes sont liés aux services publics qu'ils fournissent et comment les travailleurs du secteur public peuvent utiliser ces connaissances pour changer leur façon de travailler.
Déjà, dans le domaine de la conservation de l'énergie, de l'eau et des ressources, la France a fait ce que le gouvernement britannique promet vaguement pour 2040 ou 2050 (j'en suis venu à voir 2040 et 2050 comme des mots de code pour « jamais »). Jetons un coup d'œil à l'un de ces programmes : la réduction des déchets. Le gouvernement français a adopté une loi sur l'économie circulaire, qui vise à mettre fin à l'utilisation inutile des ressources. Les plastiques à usage unique sont interdits dans les marchés publics.
Les magasins doivent permettre aux gens d'apporter des conteneurs réutilisables et facturer des prix plus bas lorsqu'ils le font. Partout où les gens se rassemblent en grand nombre doivent être équipés de fontaines à boire, dans le cadre d'un plan plus large visant à éliminer progressivement les bouteilles en plastique. Il est interdit aux fabricants, aux grossistes et aux détaillants de jeter les invendus: ils doivent plutôt être donnés ou recyclés, ce qui crée une incitation à éviter la surproduction.
Le gouvernement cherche à éliminer l'obsolescence programmée. Les principaux secteurs commerciaux – équipements électriques et électroniques, jouets, sports, loisirs, bricolage, jardinage, textiles, chaussures et meubles – doivent contribuer à un fonds de réparation. Les entreprises doivent fournir des pièces de rechange et des instructions de réparation. L'année prochaine, certains secteurs devront afficher un « indice de durabilité » sur leurs produits. Il est interdit aux fabricants d'utiliser toute stratégie visant à restreindre la réparation ou la longévité des appareils qu'ils vendent, telles que les mises à jour logicielles qui ralentissent les téléphones et les tablettes.
Les producteurs et les distributeurs d'une large gamme de produits – des serviettes hygiéniques aux voitures – sont ou seront bientôt financièrement responsables de leur traitement et de leur élimination une fois qu'ils auront été utilisés. Les fabricants doivent produire de nouveaux plans d'éco-conception tous les cinq ans pour réduire leur utilisation des ressources et améliorer la recyclabilité. D'ici 2025, les emballages en plastique à usage unique seront réduits de 20%, toutes les nouvelles machines à laver seront équipées de filtres pour attraper les microfibres de plastique et les supermarchés et les traiteurs devront réduire le gaspillage alimentaire de 50%.
Comparez cela avec le Royaume-Uni. Le gouvernement interdira une gamme étroite de plastiques à usage unique en Angleterre, principalement dans le secteur de la restauration rapide. Mais il a saboté les plans de l'Écosse pour aller plus loin.
La tentative du gouvernement écossais d'introduire un système de consigne pour les bouteilles en verre a été retardée de deux ans, après que le gouvernement de Westminster a refusé d'accorder une exemption à la loi sur le marché intérieur.
Il existe des contrastes similaires dans d'autres secteurs. Par exemple, la France a publié un plan visant à protéger ses ressources en eau de la source à la mer, à réduire la quantité prélevée dans les rivières et les eaux souterraines, à réutiliser les eaux grises (l'eau qui s'écoule des éviers, des douches, des machines à laver, etc.), à lutter contre la pollution et à améliorer l'état écologique des rivières et des lacs. Le gouvernement dépense 1,4 milliard d'euros (1,2 milliard de livres sterling) pour nettoyer la Seine, dans laquelle, sur une grande partie de sa longueur, la baignade est interdite depuis 1923, tant l'eau est toxique. La rivière sera la pièce maîtresse des Jeux olympiques de Paris 2024, lorsque les triathlètes et les nageurs de marathon s'affronteront dans ses eaux.
Descente des canaux de la Seine par Tony Estanguet Par Jean-Baptiste Curliat / Mairie de Paris
Le Royaume-Uni, en comparaison, n'a pas inclus une amélioration globale de la qualité de l'eau dans ses objectifs de la loi sur l'environnement et semble avoir abandonné ses faibles promesses de prendre des mesures contre la pollution des eaux usées.
Le gouvernement d'Emmanuel Macron n'est pas un gouvernement radical, et aucune de ces mesures ne doit être considérée comme radicale. Ce sont les politiques minimales que tout gouvernement responsable devrait mettre en œuvre maintenant, alors que notre urgence planétaire se déroule. La France n'est pas un éco-paradis et ses politiques sont en proie à des contradictions.
Le lobbying français est responsable de certains des pires aspects de la politique agricole commune de l'UE, l'une des forces les plus destructrices de la planète. Cette semaine, le gouvernement français a interdit un important groupe environnemental direct, Les Soulèvements de la Terre. Et il est bien sûr toujours engagé dans un capitalisme basé sur la croissance.
Mais même les mesures vertes de base mises en œuvre en France semblent être un rêve impossible au Royaume-Uni, où les clairons ne cessent de sonner le recul de la réalité. Notre gouvernement a perdu tout son temps au pouvoir sur des guerres culturelles, des boucs émissaires et des scandales auto-infligés. Il fera n'importe quoi pour assurer sa propre survie, rien pour assurer celle de quelqu'un d'autre.
Plutôt que d'augmenter les normes environnementales, il cherche à les démolir. Mardi, la Chambre des Lords a accepté deux amendements au projet de loi sur le droit de l'UE. Leur objectif était d'éviter que les protections environnementales ne soient affaiblies lorsque les lois européennes sont supprimées ou remplacées. Le gouvernement a promis que « les protections environnementales ne seront jamais réduites », et les amendements visaient à inscrire cette promesse dans la loi. Mais le lendemain, le gouvernement a poussé les députés conservateurs à les rejeter à la Chambre des communes. Aujourd'hui, la protection de l'environnement dépend de la bonne foi des ministres du gouvernement – et nous savons jusqu'où cela va.
Après 13 ans de gouvernement conservateur, le Royaume-Uni est devenu un dépotoir pour chaque nouvel assaut sur la planète que les entreprises peuvent concevoir, des vapos jetables contenant des batteries au lithium, dont 1,3 million, impossible à recycler, sont déversés chaque semaine, et qui peuvent s'enflammer lorsqu'ils sont écrasés dans des camions poubelles (un feu de poubelle littéral), aux voitures particulières de la taille des fourgonnettes des constructeurs, avec une consommation de carburant correspondante.
Chaque gouvernement devrait faire la transition vers une civilisation écologique. Que la France, aussi banale que soient ses mesures, figure parmi les dirigeants mondiaux devrait être une source de honte amère pour les autres nations riches.
Les seules politiques qui comptent maintenant sont celles qui pourraient arrêter notre ruée vers le bord du gouffre. Si les systèmes terrestres s'effondrent, rien d'autre ne compte. Pourtant, chaque jour, le gouvernement et les médias produisent une nouvelle distraction, nous hypnotisant spectacle après spectacle dénué de sens. C'est ainsi que nous descendons, haletant et gargouillant devant les pitreries de ceux qui prétendent nous gouverner.
Remerciements à Georges Monbiot et au GUARDIAN :
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