LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES
Voici que Nerval a traduit Goethe ; moi aussi.
Né en 1808 d’un père médecin militaire de l’armée impériale napoléonienne, Gérard Labrunie est très tôt confié à un grand-oncle installé dans le Valois, en Picardie, alors que son père doit accomplir son service en Allemagne et en Autriche. Sa femme Marie Marguerite Antoinette qui l’y accompagne meurt à Gross-Glogau en Silésie deux ans plus tard, alors que le petit Gérard n’a pas encore trois ans. Cette tragédie marque fortement son œuvre, qui n’a de cesse de revenir sur une origine mystérieuse bien souvent teintée de germanisme.
Sa première publication importante est une traduction du premier Faust de Goethe, en 1827. Jusqu’à la fin des années 1840, il se livrera à d'autres traductions, avec une prédilection pour la poésie qui fait de Nerval l’introducteur de l’œuvre poétique de Heinrich Heine, en 1848.
Où est Thulé ? Pour les Anciens, c’était l’endroit plus au nord, en latin ultima Thule. Maintenant c’est une base aérienne américaine en Groenland.
Le roi de Thulé
Traduction Gérard de NERVAL
(Recueil Odelettes)
Il était un roi de Thulé
A qui son amante fidèle
Légua, comme souvenir d’elle,
Une coupe d’or ciselé.
C’était un trésor plein de charmes
Où son amour se conservait :
A chaque fois qu’il y buvait
Ses yeux se remplissaient de larmes.
Voyant ses derniers jours venir,
Il divisa son héritage,
Mais il excepta du partage
La coupe, son cher souvenir.
Il fit à la table royale
Asseoir les barons dans sa tour ;
Debout et rangée alentour,
Brillait sa noblesse loyale.
Sous le balcon grondait la mer.
Le vieux roi se lève en silence,
Il boit, – frissonne, et sa main lance
La coupe d’or au flot amer !
Il la vit tourner dans l’eau noire,
La vague en s’ouvrant fit un pli,
Le roi pencha son front pâli…
Jamais on ne le vit plus boire.
Les paroles chantées ne seraient pas identiques, mais quand même…
Berlioz/Barron : https://www.youtube.com/watch?v=LUQv50XjE4Q
Gounod, Callas : https://www.youtube.com/watch?v=288u-gTn7kk
Gounod/Hartig : https://www.youtube.com/watch?v=Krv8ys5ri1A
Roland Pöntinen / Barbara Hendricks :
https://youtu.be/UI7w5kvwxEc?t=5
Belle lecture : https://www.youtube.com/watch?v=plE2ZU209q0
Der König in Thule
Poème d'origine de Johan Wolfgang von GOETHE publié en 1782 (repris dans le Recueil Faust, partie I: fredonné par Marguerite le soir de sa première rencontre avec Faust)
Es war ein König in Thule,
Gar treu bis an das Grab,
Dem sterbend seine Buhle
einen goldnen Becher gab.
Es ging ihm nichts darüber,
Er leert' ihn jeden Schmaus;
Die Augen gingen ihm über,
So oft er trank daraus.
Und als er kam zu sterben,
Zählt' er seine Städt' im Reich,
Gönnt' alles seinen Erben,
Den Becher nicht zugleich.
Er saß beim Königsmahle,
Die Ritter um ihn her,
Auf hohem Vätersaale,
Dort auf dem Schloß am Meer.
Dort stand der alte Zecher,
Trank letzte Lebensglut,
Und warf den heiligen Becher
Hinunter in die Flut.
Er sah ihn stürzen, trinken
Und sinken tief ins Meer,
die Augen täten ihm sinken,
Trank nie einen Tropfen mehr.
Copyright © Timothy Adès
Musique de : Schubert, Schumann, Berlioz, Liszt, Gounod, Massenet et bien d’autres.
Schumann : https://www.youtube.com/watch?v=SUBTOXrXrdU
Schubert : Elly Ameling : https://www.youtube.com/watch?v=GifxekQOX-U
Schubert: Fischer-Dieskau : https://www.youtube.com/watch?v=AOBjx72XgaU
Maybebop : https://www.youtube.com/watch?v=gxmEv-6evOk
The King in Thule – mes paroles
There was a King in Thule
Was faithful to the grave,
To whom his dying consort
A golden beaker gave.
He valued nothing higher,
At each meal drained the cup;
His eyes were brimming over
Each time he picked it up.
When death was stealing on him,
His kingdom’s towns he told;
Gave all to his successor,
Except the cup of gold.
He sat at royal banquet
With knightly company
In the high hall ancestral,
The castle by the sea.
Up stood the old imbiber
And drained life’s final glow,
And hurled the blessed beaker
Into the waves below.
He saw it falling, filling,
And sinking in the sea;
Down sank his eyes; and never
Another drop drank he.
Copyright © Timothy Adès
Belvedere „Schöne Höhe“ des Johann Gottlob von Quandt mit Fresken zu Goethe-Balladen – Der König in Thule, par Carl Gottlieb Peschel (1787-1859)
Le roi de Thulé, dessin de Ary Scheffer (1795-1858), 1808
Le Roi de Thulé par Pierre Jean Van der Ouderaa (1841-1915), 1896
La Coupe du Roi de Thulé, par Camille Metra-Hubbard (1864-1936) (Paris, Galerie de Landermelle), 1896
"Prince Vaillant", Le Roi de Thulé, BD de Hal Foster, (Hachette, 1974)
Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.
Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.
Lauréat entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.
Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.
Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).
Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.
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