LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES
Voici Rien qu'un petit bonheur du poète belge Georges Mogin dit Géo Norge (Bruxelles 1898-Mougins 1990).
Après sa première production publique théâtrale Tam-Tam (1923), il publie son premier recueil avec 27 Poèmes incertains (1923), suivi entre autres de La belle Endormie (1935), Joies aux âmes (1941), L'Imagier (1942) et de Râpes (1949).
Carte premier jour - Timbre poste belge en hommage à Norge, 1998
En 1931, il crée le Journal des poètes, un hebdomadaire avec Pierre-Louis Flouquet et Edmond Vandercammen. Egalement Les Cahiers blancs qu’il cofonde en 1936. Et, à partir des années 1950, il écrit plusieurs nouveaux recueils, publie notamment la série des Oignons (1953-1980); le Gros Gibier (1953); la Langue verte (1954); les Quatre Vérités (1962); le Vin profond (1968) ; les Cerveaux brûlés (1969) ; Eux, les Anges (1978) ; le Stupéfait (1988). Norge (il finira par signer simplement “Norge”) s’essaie à faire coïncider le désir et le réel et à fixer la "brillance du monde". Cet humaniste pratique une palette poétique originale extrêmement variée, précise dans sa syntaxe, ciselant ses mots, jouant avec eux. En marge des modes, des conventions et des institutions, il convoque la richesse de la culture populaire, son langage, ses folklores, ses adages, les contes, les légendes jusqu’aux almanachs.
Il se fait le chantre de ce que le fameux médecin, poète, romancier, explorateur et archéologue Victor Segalen (1878-1919) a appelé "la puissance du Divers".
Au total, Norge (Grand Prix SGDL de poésie 1984), loué par Aragon, nous livre une œuvre abondante et prolifique. Le poète et éditeur Pierre Seghers, ancien résistant, disait de lui qu'il était « Gouleyant, interférentiel, fricassant, ayant du "punch" et le faisant brûler, inquiétant bien sûr, comme tous les tendres qui sont d’affreux cruels (et vice versa), maître-ès-langage de la composition au contrepoint, de la matière au boyau de chat sous l’archet, il invente, non pas en virtuose (ce qu’il est) mais en magicien. Ah! on ne s’ennuie jamais avec Norge, qui pose cependant les questions les plus graves… »
Rien qu'un petit bonheur
Rien qu'un petit bonheur, Suzette,
Un petit bonheur qui se tait.
Le bleu du ciel est de la fête,
Rien qu'un petit bonheur secret.
Il monte! C’est une alouette,
Et puis voilà qu'il disparaît.
Le bleu du ciel est de la fête
Il chante, il monte, il disparaît.
Mais si tu l'écoutes, Suzette,
Si, dans tes paumes, tu le prends,
Comme un oiseau tombé des crêtes,
Petit bonheur deviendra grand.
Only a little blessing
Only a little blessing, dear,
Little and inarticulate.
There’s joy in heaven’s vaults azure:
A blessing small and intimate.
A singing skylark, see it soar,
Hey presto, soon to disappear.
There’s joy in heaven’s vaults azure:
It sings, it soars, to disappear.
But if you let its voice be heard,
And if you grasp it in your hand,
Then, like a downward-speeding bird,
Your blessing turns out great and grand.
Copyright © Timothy Adès
Trois styles de chanson…
Agathe MD https://youtu.be/guLtV1k3rTY
Michèle Micalou https://www.youtube.com/watch?v=N1rswE4Ul3g
Kaloubadia https://www.youtube.com/watch?v=c8wbQ7OsTUk
Et la glorieuse Jeanne Moreau, que j’ai vue dans ‘Jules et Jim’, et qui illumine ‘Viva Maria’ avec Bardot, chante plusieurs de ses poèmes, mais non pas celui-ci. La voici par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=AE3B6XbaPoc&list=PLn0e0RKXbhO0kYeJ5t_2-CAwhsaorj9p9
1- Portrait de Géo Norge jeune
2- Le Journal des poètes - hebdomadaire international d'action et de documentation poétiques (2e année) N° 2 - 22 nov. 1931
3- Les Cahiers Blancs : poésie, philosophie, critique / n° du 1er nov. 1936; rédaction : Franz Briel (Éditeur : R. Henriquez (Bruxelles), BnF, département Littérature et art, 8-Z-30151
4- NORGE, Robert Rovini (Pierre Seghers éditeur, 1956); couv.: portait de Norge par Denise Perrier
5- Jeanne Moreau chante Norge : en 1978, le célèbre directeur artistique et producteur musical français Jacques Canetti apporte à Jeanne Moreau
les Œuvres poétiques 1923-1973 de Norge, tout juste rééditées par Pierre Seghers, qui s’enthousiasme aussitôt avec une préférence pour les recueils de 1949 à 1973.
« Ses poèmes m’ont paru simples, évidents, avec des mots qui allaient droit au cœur… J’ai eu envie de les dire puis d’en faire des chansons pour un disque. Certaines sont drôles ou
cruelles, d’autres tendres, agressives, humoristiques », dira-t-elle plus tard aux journalistes, ajoutant que cette poésie véhicule « le besoin d’amour, la rage
créatrice, la cruauté de la vie, le goût du néant, l’espérance d’un idéal, le dérisoire état de l’homme. » (Daniel Laroche, in Le Carnet et les Instants, Blog des lettres
belges et francophones). 22 poèmes de Norge sont choisis et, au bout d'un travail en collaboration avec Philippe-Gérard, auteur de multiples chansons pour Maurice Chevalier, Nat King Cole,
Marlene Dietrich, Édith Piaf, Franck Sinatra, et autres figures célèbres du music-hall, compositeur associé à plusieurs poètes, les vingt-deux poèmes mis en chansons et en musiques
sont enregistrés et un double « 33 tours » est commercialisé en septembre 1981. L'accueil fut positif et les critiques élogieuses au point qu'il est réédité en 1989 sur CD par Jacques
Canetti, puis en 2017 avec Françoise Canetti, la fille de Jacques, sous la forme d’un double album vinyle accompagné d’une version CD. A noter la sortie en 1984 d'un album
"NORGE Poèmes" dits par Lucienne Letondal avec la participation de Henri Rollan, NORGE et Georges Brassens (Philips).
6- NORGE Poésies (1923-1988), édition et préface de Lorand Gaspar (Collection Poésie/Gallimard, 1990).
«En ces temps où la littérature mue par le désir de tout dire sur nos angoisses et nos haines finit quelquefois par s'enfermer dans le ressentiment, dans le culte du négatif, du désespoir et de l'autodestruction, la parole de Norge est d'un bout à l'autre non seulement une affirmation de la vie mais aussi de sa confiance en cette vigueur dont la poésie se nourrit, que toute vie incarne.»
Lorand Gaspar.
Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.
Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.
Lauréat entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.
Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.
Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).
Derniers ouvrages parus : "Morgenstern's Magic", édition bilingue allemand/anglais des poèmes de Christian Morgenstern (1871-1914), 2024; "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019), édition bilingue espagnol/anglais; "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017), édition bilingue français/anglais, 527 pages, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.
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