L'humour, aussi bien sur le registre comique que satirique, est décidément un art difficile, c'est une discipline, la plantade n'est jamais très loin et rares sont les virtuoses. « Humoriste, c'est un mot grave et prétentieux comme philosophe ou spécialiste : je ne suis pas un spécialiste de l’humour. C’est par humilité que je ne veux pas être humoriste. En revanche, c’est par vanité que je ne veux pas être comique. Un comique, c’est un type qui a le nez rouge, qui pète à table, qui se met une fausse barbe : ça me glace totalement. Ce sont des mots impropres. Pareil pour "écrivain", je dirais plutôt écriveur. Parce qu’écrivain, c’est à la fois outrecuidant et trop incisif » confiait un maître en la matière, entre humour noir et absurde, Pierre Desproges (Libération, 3 mars 1986).
Pour autant, aucun artiste ne devrait être menacé pour son œuvre. Ce qui n'interdit pas de formuler une critique - à ne pas confondre avec une censure - esthétique, sociale ou politique de leur production, surtout quand elle charrie des stéréotypes confusionnistes. Il peut aussi arriver à l'humour tout simplement de rater son objectif. L'humour a beaucoup de vertus, mais invite à une grande humilité chez les humoristes professionnels.
Philippe CORCUFF, professeur à l'IEP de Lyon et chercheur au CERLIS, qui fut chroniqueur de Charlie Hebdo, engagé dans une « gauche d'émancipation, libertaire et mélancolique », dans le prolongement de son analyse des positions de la philosophe américaine Judith Butler et du français Bernard-Henri-Lévy sur l'actualité au Proche-Orient *, revient ici sur une soi-disant « blague », largement controversée, un sketch de l'humoriste Guillaume Meurice (émission "Le Grand Dimanche Soir" sur France-Inter), via le récent livre de ce dernier (Dans l’oreille du cyclone ), sorte d'auto-plaidoyer, et sur une caricature - non publiée - mais sortie sur la toile (par un "groupe" se présentant comme «dédié aux caricatures et dessins satiriques de la presse (et rien d'autre !!)» en décembre dernier de la dessinatrice de presse satirique (Charlie Hebdo; également Libération, succédant à Willem) et autrice de BD Corine Rey, alias Coco, pour nous proposer une interrogation sur les dérapages politiques de l’humour à propos des drames du Proche-Orient, aérée par l'ouvrage du sociologue Michel Wieviorka : La dernière histoire juive…
* https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2024/04/03/manicheisme-de-judith-butler-et-bhl-fragilites-d-anne-sylvestre-et-batman-par-philippe-corcuff-professeur-de-science-politique/; Philippe Corcuff a publié récemment Les Tontons flingueurs de la gauche. Lettres ouvertes à Hollande, Macron, Mélenchon, Roussel, Ruffin, Onfray, avec Philippe Marlière (éditions Textuel, 4 avril 2024)
Dans l'oreille du cyclone, Guillaume Meurice (Seuil,15-04-2024)
La dernière histoire juive, Michel Wievorka - Age d'or et déclin de l'humour juif (Denoël, 01-11-2023)
Il est attristant que des humoristes (comme Guillaume Meurice) et des dessinatrices (comme Coco) reçoivent des courriers d’insultes (moi-même, bien qu’ayant bien peu d’humour, j’en reçois de temps en temps pour ce que j’ai pu écrire ou dire ici ou là).
Il est inacceptable qu’ils soient l’objet de menaces de mort ; et c’est en encore plus ignoble dans le cas de Coco, en tant que rescapée des assassinats djihadistes de mes amis de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 (1). Intenter une action judiciaire contre Meurice, alors qu’il n’y avait pas d’incitation à la haine raciale dans sa « blague » sur France Inter du 29 octobre 2023 – ce qui ne veut pas dire qu’elle ne portait pas des ambiguïtés du point de vue de l’antisémitisme, particulièrement risquées dans un contexte de remontée de l’antisémitisme en France – est une mauvaise chose pour la liberté d’expression. Et pourtant des traits d’humour de Meurice et des dessins de Coco, et d’autres, peuvent être critiqués. Car il n’y a aucune raison qu’une modalité de la critique – sa forme humoristique – puisse prétendre tout critiquer sans pouvoir être critiquée à son tour. Dans le cas contraire, ce serait également une mauvaise chose pour la liberté d’expression dans des sociétés pluralistes à idéaux démocratiques.
GUILLAUME MEURICE OU COMMENT PUBLIER AUX EDITIONS DU SEUIL UN LIVRE DE 171 PAGES DONT LE PRESQUE VIDE EST REMPLI PAR L'AUTOJUSTIFICATION (OU L'EFFET NAULLEAU-ONFRAY)
J’ai apprécié un précédent livre publié par Meurice en 2023 sous le titre Petit éloge de la médiocrité (2). Je l’ai écrit dans une chronique mensuelle que je fais sur le site du Nouvel Obs (3). On peut lire dans cet ouvrage de l'humoriste de France Inter une ode à la place des fragilités ordinaires en politique. Et Meurice lance à un moment de manière suggestive : « Un peu d’humilité ne nuirait pas face à ce qui nous dépasse complétement » (p. 95).
Mais, patatras !, sa « blague » douteuse du 29 octobre dans l‘émission « Le grand dimanche soir » sur France Inter, avec la caricature du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en « une sorte de nazi sans prépuce », a ouvert de nouvelles interrogations. Antisémite Meurice ? Non, mais il a mis le doigt, sans s’en rendre compte, dans une assimilation entre « juif » et « nazi » qui est devenu un stéréotype antisémite (du type : « Regardez les Juifs font aux Palestiniens ce que les nazis leur ont fait »). Et cela tombe dans un contexte inflammable où des usages antisémites de telles ambiguïtés sont davantage probables. Par ailleurs, il a pu alimenter une relativisation à pente négationniste de la Shoah dans le rapprochement avec les massacres en cours à Gaza. Et loin de faire preuve de « l’humilité » dont il se réclamait en 2023, il s’est enfermé dans la dénégation. Ce qui m’a conduit à rectifier mon jugement dans la chronique qui a suivi (4).
Meurice vient même de consacrer tout un livre à l'autojustification de son 29 octobre : Dans l’oreille du cyclone (5). Les prestigieuses éditions du Seuil ont ainsi publié un ouvrage de 171 pages largement vide de contenu éthique, politique et intellectuel, très peu drôle, mais empli d’un bétonnage dans le déni, sans qu’une moindre faille ou faiblesse puisse être reconnue : « je ne comprends pas comment je pourrais m’excuser d’une faute que je n’ai pas commise » (p. 38), « n’ayant pas commis de faute… » (p. 66)… Selon ce narcissisme dogmatique, le Mal ne viendrait que de l’extérieur, du « Système », mais il ne pénètrerait jamais en soi (chez les autres, oui, souvent même - et c’est contre les turpitudes des autres que l’humour de Meurice est principalement dirigé en général – mais moi vous n’y pensez pas, j’ai des couilles de gauche en béton !). On est loin de la vigilance du grand théoricien critique Theodor Adorno appelant à « aussi penser contre soi-même » (6). Charline Vanhoenacker a eu davantage le sens autocritique des fragilités humoristiques - cela pourrait être lié à une tendance genrée – quand elle a demandé à Meurice de « prendre la parole pour tenter d’apaiser les choses » (p. 78). Elle s’est néanmoins heurtée à un mur viriliste. Ça ressemble à un récent livre de dialogue entre Éric Naulleau et Michel Onfray, La gauche réfractaire (7), où les deux compères, dans leurs cheminements respectifs de la gauche vers l’extrême droite, apparaissent focalisés sur tous les gens qui leur voudraient du mal en bétonnant l’autojustification à partir d’un certain vide intellectuel. Et Meurice a pourtant le culot de l’autocélébration intellectuelle : « j’aime le questionnement » (p. 136)… en tout cas en ne s’aventurant pas trop loin de son ego. Et il se met alors nu devant nous (pas trop nu, quand même, car il demeure fort habillé de certitudes) en tant que victime : « Ainsi va la vie d’un humoriste en France, en 2023 » (p. 134)… Les premières larmes coulent sur nos joues attendries…
Cependant le moi de Meurice prétend s’étendre à une cause politique générale (c’est le « moi Meurice, Président des humoristes… et phare de la gauche radicale »). Il nous assène ainsi la preuve par l’extrême droite de sa totale innocence avec un arrière-goût complotiste : une « polémique montée de toutes pièces, instrumentalisée par une extrême droite qui ne rêve que de privatisation du service public audiovisuel » (p. 21) et « l’agenda politique de l’extrême droite » (p. 24). Si on est vraiment de gauche, on est immédiatement au garde à vous, de nouveau la larme à l’œil. « Tout le monde se lève pour Meurice, Meurice, Meurice… » Et si on ne fait pas le jeu de l’extrême droite en osant critiquer ce qui ne serait pas critiquable, on se vautre soit dans « la malhonnêteté intellectuelle » (p. 76) et « la mauvaise foi » (p. 139), soit dans « l’hypocrisie » (p. 115), soit dans « la lâcheté » (p. 72, p. 163 et p. 168). Je crains d’être, pour les fans de Meurice dans la gauche radicale (ma famille politique qui m’adore !), tout à la fois un « allié objectif de l’extrême droite », d’une « malhonnêteté intellectuelle » et d’une « mauvaise foi » crasses, un « hypocrite » et un « lâche », voire un « con », selon l’expression de « l’amour révolutionnaire » d’Houria Bouteldja à mon égard sur sa page Facebook le 2 avril 2024.
À un moment, il semble que Meurice va s’extirper de ce fatras d’autojustification politique en ouvrant une piste potentiellement autocritique : « J’ai d’ailleurs toujours eu du mal à comprendre comment un humoriste pouvait se prendre au sérieux, son métier consistant précisément à lutter contre cet esprit et faire dégonfler les têtes » (p. 103). Toutefois il ne comprend pas qu’il s’adresse la critique à lui-même. Et la mécompréhension de son effort d’autoréflexion critique l’empêche de faire dégonfler sa propre tête.
C’est ballot !
Meurice ne semble pas s’intéresser aux sciences sociales. Il n’est pas le seul : c’est assez courant aujourd’hui aussi parmi les politiciens et les technocrates qui nous gouvernent, quand ils n’en font pas un être maléfique, « islamogauchiste » et « wokiste », qui menacerait La Civilisation (8). Or, les sciences sociales mettent souvent en évidence que le sens des mots et des paroles ne dépend pas seulement des intentions de leurs locuteurs, mais aussi et surtout du contexte social, idéologique et politique dans lequel ils apparaissent. Cela fragilise quelque peu l’ego qui campe sur ses intentions. Cela aurait pu plaire au Meurice du Petit éloge de la médiocrité, pas à celui du 29 octobre et de ses suites. C’est à cause des faiblesses de nos intentions individuelles dans les effets de nos paroles et de nos actes sur le cours du monde qu’un des fondateur de la sociologie moderne, Max Weber, a forgé la notion d’éthique de responsabilité (9), c’est-à-dire qui ne se soucie pas seulement des principes et des intentions mais aussi des conséquences, en ce qu’elles échappent justement souvent aux principes et aux intentions. Pas de contexte chez Meurice, que de bonnes intentions ! Quand on lui parle des actes antisémites en augmentation, il ne comprend « pas le lien entre ce que j’ai pu dire et ces derniers. D’ailleurs, il n’y en a aucun » (p. 64). L’intention individuelle de la bonne âme humoristique de gauche radicale est toute-puissante. C’est pourquoi, pour lui, une blague est « antisémite » ou « ne l’est pas » (p. 76) : il n’y a pas d’entre-deux, pas de zone grise entre le noir et le blanc. Comme le notait le philosophe Clément Rosset, « Il n’est pas de remède contre la clairvoyance : on peut prétendre éclairer celui qui voit trouble, pas celui qui voit clair » (10). Cependant l’antisémitisme ou l’islamophobie, ou le sexisme, ou l’homophobie, ou la transphobie ne se réduisent pas à des intentions antisémites, islamophobes, sexistes, homophobes ou transphobes. Car il peut y avoir des effets antisémites, islamophobes, sexistes, homophobes ou transphobes sans que cela ne passe par de telles intentions (11).
UN DESSIN DE COCO COMME ILLUSTRATION DU NARRATIF DU GOUVERNEMENT ISRAELIEN
L’humour alimente fréquemment les controverses politiques autour des massacres perpétrés au Proche-Orient ces derniers temps en France. La députée LFI Sophia Chikirou a réagi violemment à un dessin de la dessinatrice Coco paru dans Libération le 11 mars dernier : « Vous n’aurez pas notre haine mais vous la méritez ».
Une vague d’insultes et de menaces de mort a, après le tweet de Chikirou, déferlé sur Coco. Pour ma part, je ne vois pas de problème dans ce dessin, en ce qu’il montre l’horreur de la famine à Gaza généré par l’intervention militaire israélienne, tout en ajoutant une ironie critique vis-à-vis de la religion dominante sur ce territoire.
Par contre, un autre dessin, antérieur, de Coco, datant de décembre 2023, a une portée politique beaucoup plus inquiétante. Et pourtant il n’a pas suscité de polémique. Il faut dire qu’il n’a pas eu la même existence publique : il fait partie de ses dessins de presse qui ne sont pas publiés, le dessinateur réalisant souvent plusieurs dessins dont un seul va être sélectionné. À ma connaissance (qui peut être défaillante), celui-là n’a paru ni dans Charlie Hebdo, ni dans Libération. Il a quand même connu une petite existence publique via Charlie Déchaîné (@CharlieDechaine) qui publie chaque jour une sélection de dessins de presse et de caricatures sur X (ex-Twitter). Il a publié ce dessin de Coco le 10 décembre 2023, qui a dû donner son autorisation pour que cela puisse se faire (12) :
Ce dessin reprend le narratif du gouvernement israélien selon lequel le responsable des dizaines de milliers de civils, dont beaucoup d’enfants, serait le Hamas et pas le gouvernement israélien. Ce ne serait pas les bombes israéliennes qui tueraient mais le Hamas, en faisant des enfants des boucliers humains. Le Hamas est responsable des crimes contre l’humanité du 7 octobre en Israël, mais les crimes de guerre à Gaza sont de la responsabilité de l’armée israélienne. Et si l’armée israélienne arrête ses bombardements, les massacres s’arrêtent. Il y a quelque chose d’horrible dans le redoublement dessiné ici par Coco de la propagande gouvernementale israélienne légitimant une tuerie. Quelque chose qui doit pouvoir être critiqué politiquement, même si ce point de vue doit bénéficier de la libre expression.
J’avais en juin 2023 opposé l’humour de gauche de Charline Vanhoenacker et de sa bande (sur France Inter) à l’humour de droite de Gaspard Proust (sur l’Europe 1 de Vincent Bolloré) et sa litanie de lieux communs réactionnaires (13). Avec la « blague » de Meurice et le dessin de Coco, cela devient plus compliqué. Il manque notamment quelque chose à cet humour de gauche pour alimenter, via l’ironie, un imaginaire émancipateur : le sens de l’autodérision. Sur ce plan, le dernier livre du sociologue Michel Wieviorka peut s’avérer utile.
MICHEL WIEVORKA ET LES « HISTOIRES JUIVES »
A propos de « La Dernière Histoire juive » : le déclin d’une espiègle insolence face au malheur, par Luc Cédelle - Le Monde
De l’Europe de l’Est aux Etats-Unis en passant par la France, le sociologue Michel Wieviorka esquisse une histoire des « histoires juives », fondées sur l’autodérision et le retournement des préjugés.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/12/la-derniere-histoire-juive-le-declin-d-une-espiegle-insolence-face-au-malheur_6205314_3232.html
Wieviorka a publié en novembre 2023 : La dernière histoire juive. Âge d’or et déclin de l’humour (Denoël) (14). Le sociologue contextualise le genre humoristique nommé « histoires juives » : il prendrait son essor à la fin des années 1960 aux États-Unis (avec des figures cinématographiques comme Woody Allen, Mel Brooks ou les frères Joel et Ethan Coen), tout en puisant dans l’expérience antérieure du shtetl et du yiddish dans l’Europe de l’Est d’avant la Seconde Guerre mondiale. Mais cet humour juif rebondit aussi en France avec, par exemple, le film Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury (1973).
Wieviorka met en évidence que, à la différence, de nombre d’histoires drôles qui « reposent sur un stéréotype » en disqualifiant « la cible visée pour mieux valoriser le narrateur et son public », il y a de « l’autodérision » dans ces « histoires juives » (p. 39), mais également un « sens de l’absurde éventuellement poussé très loin » (p. 90), dans un rapport à une histoire collective aux composantes tragiques. Ce type d’humour ouvre en pratique le questionnement contre les certitudes dogmatiques, comme dans cette histoire reprise par le sociologue (p. 177) :
Un goy et un Juif conversent dans un train.
- Pourquoi vous, les Juifs, lorsqu’on vous pose une question, répondez toujours par une autre question ?
- Pourquoi pas ?
Notes :
(1) Philippe Corcuff, « Mon ami Charb : les salauds, les cons, l’émotion ordinaire et la tendresse », blog Mediapart, 8 janvier 2015.
(2) Guillaume Meurice, Petit éloge de la médiocrité, Éditions Les Pérégrines, 2023.
(3) Philippe Corcuff, « De Israël/Gaza à Arras : pour une politique de la fragilité », site du Nouvel Obs, 17 octobre 2023.
(4) Philippe Corcuff, « De nos intimités désorientées à une gauche déréglée par le Proche-Orient », site du Nouvel Obs, 22 novembre 2023.
(5) Guillaume Meurice, Dans l’oreille du cyclone, Seuil, mars 2024.
(6) Theodor Adorno, Dialectique négative (1e éd. : 1966), Payot, 1992, p. 286.
(7) Michel Onfray et Éric Naulleau, La gauche réfractaire, Bouquins, 2022.
(8) Pour une réponse à ces fantasmes d’extrême droite, de droite, « macroniste » et de gauche dite « républicaine, voir la réédition en format de poche de Les mots qui fâchent. Contre le maccarthysme intellectuel, sous la direction d’Alain Policar, Nonna Mayer et Philippe Corcuff, éditions de l’aube, 2024 (1e éd. : 2022).
(9) Max Weber, « La profession et la vocation de politique » (conférence de 1919), dans Le savant et le politique, préface et traduction de Catherine Colliot-Thélène, La Découverte/poche, 2003, pp. 185-204.
(10) Clément Rosset, Le réel. Traité de l’idiotie, Minuit, 1977, p. 60.
(11) Voir Philippe Corcuff, « De Simenon et Audiard à Médine : d’un humanisme défaillant face à l’antisémitisme », site du Nouvel Obs, 22 août 2023 et https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2023/09/01/de-simenon-et-audiart-a-medine-d-un-humanisme-d%C3%A9faillant-face-%C3%A0-l-antis%C3%A9mitisme-par-philippe-corcuff-professeur-de-science-politique/
(12) Je remercie Grégory Molle qui a découvert la provenance de ce dessin qui circulait sur X (ex-Twitter) en mars 2024 sans références, parfois confondu avec le dessin qui faisait l’objet de la polémique.
(13) Philippe Corcuff, « De Pierre Dac à Gaspard Proust, en passant par Charline Vanhoenacker… Rire de tout, sans limites ? », site du Nouvel Obs, 15 juin 2023
(14) Voir Jean Baubérot, « Faire un pas de côté avec Michel Wieviorka », blog Mediapart, 21 novembre 2023.
Vignettes introductives en forme d'hommage : 1- Album BD de (Jean-Marc) Reiser (Hara-Kiri, Charlie Hebdo), décédé en 1983 / 2- « Peut-on (encore) rire de tout ? », Cabu (Le Cherche-Midi, 2011) / 3- Dernier dessin de Charb, paru dans Charlie Hebdo mercredi 7 janvier 2015 / 4- Dernier dessin de (Georges) Wolinski, retrouvé dans son bureau par sa femme Maryse (publié dimanche 18 janvier 2015 dans le Journal du Dimanche)
N.B : cet article a également été publié par Philippe Corcuff le 5 avril dernier sur son Blog, titré « Guillaume Meurice/Coco : l’humour politique est-il incritiquable ? » (https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog/050424/guillaume-meuricecoco-l-humour-politique-est-il-incritiquable)
Philippe Corcuff, sociologue, politiste, enseignant-chercheur, est professeur de science politique à l'Institut d'études politiques de Lyon, en Sciences Sociales à l’Université Paris Descartes et membre du laboratoire CERLIS (Centre de Recherche sur les Liens Sociaux, UMR 8070 du CNRS, Université Paris Descartes et Université Sorbonne Nouvelle).
Co-fondateur, directeur de la collection « Grands débats : Mode d’emploi » des Presses Universitaires de Lyon, après avoir co-dirigé la collection « Petite Encyclopédie Critique » des éditions Textuel (Paris). Il est également membre du Comité Scientifique International de la revue Sciences du Design, éditée par les Presses Universitaires de France.
Co-animateur des universités populaires de Lyon et de Nîmes, Philippe Corcuff est engagé dans l'émergence d’une politique d’émancipation, et a commencé son parcours entre la sociologie critique de Bourdieu et la sociologie pragmatique de Boltanski et Thévenot, avec un « background » marxiste, en explorant les terrains du syndicalisme et de l’action publique. Puis , il s’est orienté vers le domaine des sociologies de l’individu et de l’individualisme en explorant une théorie générale sur la place des individualités dans les sociétés individualistes et capitalistes contemporaines, associant sociologie empirique, relationnalisme méthodologique (en termes de relations sociales), théories sociologiques de l’individualisation moderne et contemporaine dans l’aire occidentale, anthropologies philosophiques (en amont) et philosophie politique (en aval).
Il est attaché au perfectionnisme démocratique, à l’expérimentation et à une démarche pragmatiste permettant de sortir des certitudes idéologiques et des schémas politiques traditionnels.
Philippe Corcuff a été chroniqueur de Charlie Hebdo (avril 2001-décembre 2004).
Auteur de nombreux ouvrages et de très nombreux articles, notes critiques et autres communications.
Derniers livres parus :
- Les Tontons flingueurs de la gauche. Lettres ouvertes à Hollande, Macron, Mélenchon, Roussel, Ruffin, Onfray, avec Philippe Marlière (éditions Textuel, 4 avril 2024)
- Les mots qui fâchent : contre le maccarthysme intellectuel, Philippe Corcuff, Alain Policar et Nonna Mayer (dir.) (Éditions de l'Aube, avril 2022, coll. "Monde en cours" - Essais)
- La Grande Confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées (éd. Textuel, collection "Petite Encyclopédie Critique", mars 2021)
- Individualidades, común y utopía. Crítica libertaria del populismo de izquierda, préface de José Luis Moreno Pestaña, traduction et révision en langue espagnole de David J. Domínguez et Mario Domínguez (Madrid, Dado Ediciones, colección "Disonancias", 2020)
Derniers articles : D’Annie Ernaux à The Batman : vengeance, ressentiment et émancipation au cœur de la gauche, site culturel AOC (Analyse Opinion Critique), 2023; Marx/Bourdieu : convergences et tensions entre sociologie critique et philosophie politique de l’émancipation, Afak For Sciences Journal (Université Ziane Achour à Djelfa, Algérie), 2023; Hay un futuro político para el "postfascismo"? Presentación de Corcuff, P. (2021). La grande confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées, Revista Stultifera de Humanidades y Ciencias Sociales, 2022, 5 (2); L’intersectionnalité : entre cadre méthodologique, usages émancipateurs et usages identitaristes, Les Possibles, 2022, 32; Gauche : Lost in Conspiracy. De dévoiements «républicains» en dérives Insoumises, Lignes, 2022; Liberté/égalité avec Bakounine et Tocqueville, entre socialisme libertaire et libéralisme politique, Revue Politique et Parlementaire, 2022, 1104; Repenser l’universel face aux identitarismes concurrents. Le cas de la compétition entre combats contre l’antisémitisme et contre l’islamophobie dans la France d’aujourd’hui, Confluences Méditerranée, 2022, 121; Neocapitalismo, frustraciones e imaginarios. De una sociología crítica a una filosofía política altermundialista, Psicología, Educación & Sociedad (Universidad Autónoma de Querétaro, México), vol. 1, número 2, 2022; Des enfermements identitaristes à une politique de l’ouverture identitaire en contexte ultraconservateur et confusionniste, Revue du M.A.U.S.S., n° 59, 2022; Le progressisme au défi du conservatisme, revue Pouvoirs. Revue française d’études constitutionnelles et politiques, n° 179 : "Les clivages politiques", 2021.
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Dominique LEVEQUE (samedi, 04 mai 2024 10:36)
Le processus de relativisation de l’antisémitisme au sein des gauches, et plus particulièrement au sein de la gauche dite « radicale », mais pas que, souvent associée à une minoration du combat nécessaire contre les idées pourfendeuses de la république, notamment chez les islamo-conservatismes et leurs alliés, et pas seulement dans leur forme djihadiste, m’effraie. Littéralement.
Les ambiguités d’un segment du néo-féminisme et dans certains cénacles intellectuels vis-à-vis des féminicides, des viols et de toutes les atrocités commis par le Hamas le 7 oct 2023, voire le déni, le négationnisme ayant trait à ce qui s’est passé ce jour-là, m’interrogent sur le sens des positions médiatiques déployées.
Cette rhétorique manichéenne qui n’épargne pas grand monde, jusqu’à certains secteurs de la gauche s’affichant « républicaine », ne sonne pas seulement le glas de la nuance dont nous avons tant besoin pour comprendre le monde, voire le changer, elle retarde d’autant le réveil politique en se complaisant dans le confusionnisme tous azimuts.
Ce « vrillage » idéologique sur tout et n’importe quoi, facilité par l’effacement du clivage traditionnel gauche-droite, remplacé par rien depuis, contrarie, gâche la mobilisation de tous les cœurs sincères en faveur d’un cessez-le feu à Gaza.
La dernière sortie de Mélenchon comparant le Pt de l’univ. De Lille à Adolf Eichmann, si elle est abjecte, signe surtout la volonté du leader de la FI de poursuivre son funèbre dessein en récidivant dans ses horreurs médiatiques - à l’évidence programmées – ne constitue nullement une dérive supplémentaire du chef des Insoumis, mais bel et bien un parti-pris non seulement électoraliste, en jouant sur les préjugés antisémites, stratégique mais aussi idéologique.
Tout cela ne réussit qu’à empêcher un débat public dépollué sur les malheurs du monde et à faire monter les anxiétés.
Décidément, l’époque est en manque d’une philosophie morale roborative et d'une nouvelle praxis politique qui éclairent ou lieu d'obscurcir...