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QUI EST PAUL WATSON, par Stéphanie Mesnier-Angeli, journaliste et écrivain


Paul Watson, cofondateur de Greenpeace, puis fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society [Association de lutte contre la pêche à la baleine], s'est fait connaître en 1975 à l'occasion d'une opération de sauvetage de cachalots contre des baleiniers soviétiques. En 2000, Le magazine Time le désigne comme l'un des héros écologistes du xxe siècle et en 2014, poursuivi par le Costa Rica et le Japon, inscrit sur la liste rouge d'Interpol, Paul Watson trouve refuge en France. Nicolas Hulot avait considéré à l'époque que Paul Watson faisait partie «  avec Dian Fossey et Raoni,(…) de ces grands héros de l’écologie dont l’histoire se souviendra ». Présenté dans les médias depuis son arrestation au Groenland en juillet 2024 - sous le coup d’un mandat d’arrêt international (à la demande de Tokyo) pour « conspiration d’abordage » comme le « Robin des eaux », assurément l’une des figures les plus populaires de l’écologie, Paul Watson, partisan d’une croissance démographique zéro, fait l'objet depuis longtemps de plusieurs controverses.

Tout comme le Japon sur le sujet de la pêche aux baleines, puisque avec l'Islande et la Norvège, c'est le seul pays à ne pas respecter le moratoire adopté par la Commission baleinière internationale (CBI), entré en vigueur en 1986.

Stéphanie Mesnier-Angeli, contributrice du PRé, journaliste au Canard Enchaîné (actuellement aux Prudhommes avec la direction), a regardé de plus près pour essayer de voir qu'il en était.

Mercredi 16 octobre, le militant  canado-américain a demandé l’asile politique à la France dans une lettre envoyée à Emmanuel Macron. Il y remercie le président de la République pour son « soutien » et mentionne son admiration pour Jules Verne ou le commandant Jacques-Yves Cousteau. Il prévoirait de contourner les difficultés en demandant la nationalité française. 


"Capt Paul Watson" 8x10 - video proof, 2019

   

     Nagui, Brigitte Bardot ou Stéphane Bern, tout le gratin s'est mobilisé pour Paul Watson, « le défenseur des baleines » Hugo Clément a lancé une pétition, Francis Lalanne a écrit une chanson, Florent Pagny et Cali ont pris le micro. Emmanuel Macron et Mélenchon soutiennent Paul Watson...

Mais qui est vraiment Paul Watson ?

En grattant un peu, on se rend compte que Watson compte pas mal d'ennemis parmi les défenseurs de l'environnement. Non à cause de ses positions radicales, mais de sa mégalomanie, qui ne date pas d'hier.

En 1977, Paul Watson milite à Greenpeace. Lors d'un déplacement sur les glaces polaires du Canada (où il fait la connaissance de Brigitte Bardot), Watson se montre violent, obsédé par son image et par sa propre gloire. Au point de mettre en danger ses camarades, qui votent son débarquement à une belle unanimité. Bob Hunter, co-fondateur de Greenpeace, dira à son propos : Watson « semblait possédé par une volonté trop débordante, un désir trop soutenu de se mettre en avant ou au centre de tout, écartant tout le monde sur son passage (...) Il créait de la division partout où il allait. Personne ne voulait de ça.»

Marginalisé, Watson fonde alors son propre mouvement, Sea Shepherd, qu'il veut centré sur l'action directe. Mais, en 1986, notamment grâce à l'action de Greenpeace, la chasse aux baleines est officiellement bannie dans le monde, un moratoire international est voté. Seuls la Norvège, l'Islande et le Japon continuent à la pratiquer. Selon le WWF, 66.000 baleines étaient tuées chaque année en 1961. En 1986, le chiffre tombe à 6.500. Et en 1988, à 669. Depuis, il tourne autour d'un millier par an. C'est toujours trop, évidemment, mais Paul Watson voit son champ d'action se réduire.

 

   Coup de bol, en 2008, Discovery Channel lui propose de créer une émission de téléréalité, Whale Wars ("Justicier des mers"), dont il sera le héros. Paul Watson s'empresse d'accepter, et sa notoriété grandit à la lumière des projecteurs.

Le 5 janvier 2010, un navire de Sea Shepherd a un sérieux accrochage dans les mers du sud avec un baleinier japonais, le Shonan Maru. Les images, filmées par les caméras de Discovery Channel, font le tour du monde, et c'est cet accrochage qui vaut à Watson une part de ses ennuis actuels. Alors, voyons ça dans le détail...

Paul Watson accuse le baleinier japonais d'avoir éperonné délibérément son catamaran, l'Ady Gil. Mais le rapport publié en novembre 2010 par la Nouvelle-Zélande conclut que le catamaran s'est délibérément mis « en travers de la route du baleinier…». Paul Watson a-t-il provoqué l'accident pour faire parler de lui ?

Ady Gil, le propriétaire du catamaran qui vaut plusieurs millions de dollars, est furieux. Il commande un autre rapport d'experts, qui conclut lui aussi à une mise en scène du défenseur des baleines. De son côté, le Japon demande l'arrestation de Paul Watson et Interpol lance un mandat d'arrêt. En 2015, un rapport d'arbitrage juridique conclut que le catamaran a été coulé non par la collision avec le baleinier, mais par Sea Shepherd ! L'ONG l'a sabordé sur ordre du patron, « pour un moment supplémentaire de télé-réalité spectaculaire », alors qu'il aurait pu être remorqué.

Toujours en 2015, pour mettre fin aux poursuites, Sea Shepherd verse 500.000$ à Ady Gil, le propriétaire du bateau, et 2,55M$ aux baleiniers japonais. Watson est mis sur la touche de sa propre organisation en juillet 2022, et, dans la foulée, il crée Sea Shepherd France.

Dans son accord avec les Japonais pour mettre fin aux poursuites, en plus des 2,55M$, Paul Watson avait signer un accord lui interdisant d'« attaquer physiquement » les baleiniers japonais, « de (les) mettre en danger », et de les approcher à moins de 500 yards. Or, cette année, dans le Pacifique Nord, il a violé cet accord.

 

   Paul Watson a aussi plusieurs amis embarrassants, et quelques idées qui sentent le poisson pas frais. Il se définit lui-même comme « conservative conservationnist » (jeu de mot entre le conservatisme au sens de réactionnaire, qui se dit conservatism, et l’écologie, qui se dit conservation) et malthusien. Watson appartient au courant « anti-immigration » et il propose de n’autoriser la reproduction « qu’aux personnes pouvant prouver leur capacité à subvenir financièrement et pédagogiquement aux besoins de leur progéniture » (20 Minutes).

Paul Watson a été très proche d'un autre réactionnaire, Dave Foreman (décédé en 2022), nostalgique de l'époque du Far West et parfois qualifié d'« éco-fasciste ». Foreman a fondé Earth First ! ("La Terre d'abord !"), avant de quitter son organisation en 1989, l'estimant « trop influencée par des marxistes et anarchistes ».

Bien sûr, on peut protester contre la demande d'extradition des Japonais, vouloir défendre la biodiversité, notamment maritime, et soutenir ou pas Paul Watson. Mais toutes ces précisions montrent que le dossier est, comme souvent, plus complexe qu'on peut le croire.

 

Pour les chiffres de la chasse aux baleines, c'est ici :

https://iwc.int/management-and.../whaling/total-catches...

Sur l'arrestation du "justicier des mers" après ses exploits de télé-réalité, c'est ici :

https://www.lepoint.fr/.../arrestation-de-paul-watson-la...

Sur David Foreman :

https://en.wikipedia.org/wiki/David_Foreman

Ici, les accusations contre Paul Watson et la réponse de la présidente de Sea Shepherd France, avec plusieurs liens intéressants :

https://www.20minutes.fr/.../4117008-20241023-presente...

 

Vous vous sentez comme un homme à la mer ?


 

téphanie Mesnier-Angeli est journaliste, écrivain et romancière.

Auteur entre autres de Barnabé - Le Roman d'un chat  (Librinova, 2021), Tueuses mais pas trop (Fayard, 2015), Les Micros du Canard - avec Claude Angeli - (Editions Les Arènes, 2014).

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