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OU EST PASSEE "L'IMAGINATION, NOTRE PREMIER PRIVILEGE " ?, par Stéphanie Mesnier-Angéli, journaliste et écrivain


Il y a des matins où les nouvelles du monde laissent un goût amer. Où la bêtise de l'époque parait si vaste que s'en indigner est aussi vain que de vouloir vider l'océan avec une cuillère à moka.


 

     Le spectacle national est assez pathétique, mais à la lecture de l'entretien de Christine Lagarde au Financial Times, on reste sans voix. La présidente de la Banque Centrale européenne explique que, face à l’arrivée de Trump et à sa menace de surtaxer les droits de douane, la meilleure stratégie pour l'Union européenne est de sortir « le carnet de chèques » (dixit) et d'acheter américain.

Une guerre commerciale, prétend-elle, serait « mauvaise pour tout le monde ». Alors, autant se coucher tout de suite !

 

Rappelons que Christine Lagarde dirige l’institution la plus symbolique et la plus puissante de la construction européenne. L’isolationnisme, voire l’hostilité des États-Unis, ne lui semble pas l'occasion de construire enfin une Europe crédible. Au contraire. Ce qu'elle préconise, c'est d'acheter encore plus américain pour calmer la bête. Je l'écrivais ici, mercredi : Trump est un homme d'affaires qui veut des « deals ». Il est même l'auteur de The art of the deal. Eh bien, l'artiste aura été entendu au-delà de ses espérances. Car Lagarde va encore plus loin : que devrait-on acheter à Trump pour qu'il nous fasse risette ? Du « gaz naturel liquéfié » (GNL) et des armes, du « matériel de défense non produit sur le sol européen ».

A-t-on bien lu ? Du GNL américain, émetteur de CO2 comme tous les hydrocarbures et essentiellement produit à base de gaz de schiste (mode d’extraction 2 à 3 fois plus polluant que celui du gaz conventionnel)... Et des armes que nous ne produisons pas. C’est-à-dire celles pour lesquelles on devrait au contraire s'activer à créer les filières pour assurer notre sécurité et notre indépendance.

C'est pour cette grande ambition européenne que l'on paie Madame Lagarde ?

 

    L'Opinion résume la situation : « Voilà à quoi est réduit l’art de gouverner : naviguer au jour le jour, céder, concéder, marchander pour éviter de chuter sur un motif qui n’en vaut pas la peine. Contourner l’obstacle du moment, recommencer chaque jour à subir le chantage des opposants de gauche et de droite qui sont forts uniquement de la faiblesse de la majorité. Et espérer survivre, non pas pour réformer ni préparer l’avenir, mais pour échapper au chaos politique et financier que provoquerait une chute du gouvernement.»

Barnier a finalement cédé. Dans Le Figaro, il égrène ses concessions : pas d'augmentation des taxes sur l'électricité, loi sur la proportionnelle « au printemps », réforme de l'AME qui sera « nettement diminuée ». Mais le RN affirme que des « lignes rouges demeurent » et Bardella menace : si le PM « s'entête, alors ce gouvernement tombera » (La Croix).

 

   Les Insoumis comptaient sur leur "niche" parlementaire pour abroger, avec le NFP et le RN, la réforme des retraites. Mais cette niche ne durant qu'une journée, il a suffi aux députés de la droite et du centre de faire durer les débats jusqu'à minuit grâce au dépôt de centaines d'amendements. Une méthode chère aux Insoumis, mais mal tolérée lorsqu'elle est appliquée par le camp adverse. Échanges d'insultes et de menaces, deux députés ont failli s'écharper (Le Monde).

 

   « Notre-Dame de Paris plus belle que jamais » titre Le Parisien à la Une. À une semaine de sa réouverture officielle, la grande nef de la cathédrale résonnera ce matin des "Oooooooh" et des "Aaaaaaaah !" (voire des "Ouaaaaaaaah") de la délégation de privilégiés menée par Emmanuel Macron pour sa 7e et dernière visite de chantier. Alléluia ! clame-t-on à l'Élysée. Le Président a réussi son pari : reconstruire en 5 ans. « Quand la volonté politique est là, on trouve un chemin », répète Macron. Que n'a-t-il eu cette volonté pour tant d'autres sujets !

 

   « Nous obtiendrons la paix par la force », a lâché Trump en annonçant le nom de son émissaire « pour l'Ukraine » : Keith Kellogg, 80 ans, général à la retraite (depuis très longtemps). Le plan de Kellogg : couper l'aide à Kiev si Zelensky ne négocie pas, et obtenir de Poutine « la promesse de ne pas entrer à Kiev ». La « paix » se fera donc au prix de la perte de territoires ukrainiens et d'un piétinement de sa souveraineté (CNN).

Poutine s'est dit « confiant », et a exprimé sa joie en menant une « attaque massive » contre des infrastructures civiles dans plusieurs régions d'Ukraine : centrales électriques, écoles, hôpitaux. En Ukraine, les températures avoisinent 0°C et plus d'un million d'habitants se sont retrouvés sans chauffage ni électricité (Huff Post).

Le maître du Kremlin se réjouit d'autant plus qu'il n'est pas en bonne posture. Ses laborieux gains territoriaux lui coûtent cher en hommes et en munitions. Après le recours aux mercenaires, aux Srilankais, aux Nord-Coréens, il en appelle maintenant aux rebelles Houthis du Yémen pour combattre sur le front (Libé). Le rouble s'est effondré, « il vaut moins que le papier sur lequel il est imprimé » (The Guardian) et la Chine étend sa domination sur l'économie russe...

 

   En Bref : Le café est à son plus haut cours depuis 47 ans - Le Sénat a voté une hausse de la TVA sur l'eau en bouteille de 5,5% à 20% - À Nîmes, des camions de la Banque alimentaire ont été détruits par un incendie criminel. Préjudice : 500.000€ - Décès de Silvia Pinal, légende du cinéma mexicain et muse de Buñuel - Le président du Sénégal veut que les militaires français quittent de son pays - Une découverte qui invite au rêve, celle de l'épave d'un galion portugais du XVIe siècle a été retrouvé au large du Keynia. Il pourrait s'agir du São Jorge, un navire ayant participé aux expéditions de Vasco de Gama dans l’océan indien (Sciences et Avenir)...

Le nouvel album de Freddie de Tommaso exprime sa passion napolitaine pour Puccini.


 

Stéphanie Mesnier-Angeli est journaliste, écrivain et romancière.

Auteur entre autres de Barnabé - Le Roman d'un chat  (Librinova, 2021), Tueuses mais pas trop (Fayard, 2015), Les Micros du Canard - avec Claude Angeli - (Editions Les Arènes, 2014)

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Commentaires: 1
  • #1

    Dominique LEVEQUE (vendredi, 29 novembre 2024 10:33)

    « L’imagination est notre premier privilège. Inexplicable comme le hasard qui la provoque (…)
    Quelque part entre le hasard et le mystère se glisse l'imagination, liberté totale de l'homme ».
    Luis Buñuel ("Mon dernier soupir")