Vous connaissez le petit jeu du "c’est pas moi, c'est eux" et du "c’est pas nous, c'est lui" ?
Résumé de l'intervention du président, hier soir :
1)La dissolution n'a pas été comprise, je vous ai redonné la parole et c'était nécessaire. 2)Je ne suis pas responsable de l'irresponsabilité des autres (celle des électeurs et celle des partis). 3)J'y suis j'y reste. 4)Une loi de finances spéciale sera déposée au Parlement afin d'assurer la continuité des services publics.
Et maintenant ? Qui pour gouverner ? Les rédactions sont en ébullition. Mais au-delà des noms qui circulent (Bayrou, Retailleau, Bertrand, Baroin, etc.), on sait déjà qu'à droite, la censure sera « automatique" si des LFI pointent leur museau. À gauche, on promet la même « censure automatique » à tout gouvernement que ne sera pas issu du NFP. Étrangers à la culture du compromis, les députés condamnent le pays à « la paralysie » (Le Figaro).
« Consternant" titre Le Parisien à la Une. La crise est là, elle est grave, elle est profonde, et s'annonce durable. La Ve République exige un Président fort avec une majorité forte. Or Macron est « politiquement mort, sans pouvoir créateur » (Politico). L'absence de majorité à l'Assemblée a libéré les égos de politiciens lilliputiens, et leur incapacité à s'entendre nous renvoie à l'instabilité de la IVe. La Croix pleure sur « le champ de ruines » qu'est l'Assemblée. « Un vent mauvais souffle dans l'hémicycle, semant la division, gonflant les orgueils, effaçant l'horizon commun. Personne ne sort grandi de cet épisode. L'avenir du pays s'assombrit. La classe politique piétine ».
Il va donc falloir, clopin-clopant, tenir jusqu'en juin 2025, date de possibles nouvelles législatives.
Le vote de la motion de censure a soulagé les nerfs des uns et des autres, mais les députés en ont-ils mesuré les effets ?
Quel sera l'impact sur l'économie ?
Comme l'a annoncé Macron, le prochain gouvernement reconduira le budget 2024 par une loi spéciale. Sans doute en indexant le barème de l'impôt sur l'inflation, pour éviter que 18 millions de ménages ne subissent une hausse de leurs impôts. Et puis c'est tout. Pas de réformes. Pas d'initiatives. Juste les affaires courantes. Le « dôme de fer » de l'euro nous évitera une crise financière.
Cela, même si le budget 2024 reconduit en l'état n'entraînera (au mieux) qu'une légère baisse du déficit, loin de la trajectoire demandée par Bruxelles. Mais la dette sera plus chère à rembourser (BFM Business).
« Le plongeon sera rapide », prédisent Les Échos. L'économie française, déjà guère vaillante, va être mise à l'arrêt. Les investisseurs se retirent, les patrons hésitent à embaucher, les prévisions de croissance sont déjà revues à la baisse. Les effets s'en ressentiront sur le chômage et les déficits.
Autre conséquence de la censure : atterrissant en Uruguay, Ursula Von Der Leyen (pdte Commission européenne) a déclaré que la « la ligne d'arrivée sur le Mercosur est en vue. Franchissons-la ! ». Tant d'allégresse, alors que les députés français ont rejeté l'accord UE-Mercosur à la quasi-unanimité voilà 10 jours ? C'est que ces mêmes députés ont considérablement affaibli la France.
Un gouvernement démissionnaire, un futur PM sans majorité et un président décrédibilisé n'ont aucun poids face à la Commission, à l'Allemagne et à l'Espagne, qui veulent signer. Von der Leyen « s'est engouffrée dans la brèche » (Le Monde). Et ce n'est qu'un début.
Jordan Bardella a tempêté sur les réseaux sociaux, mais Le Parisien le tacle sévèrement : si la France est affaiblie, c'est bien à cause du RN qui a donné « le coup de grâce » au pays. Et d'ironiser sur ces patriotes qui ont une bien « curieuse façon de défendre la souveraineté nationale ». Nous sommes passés en 2ème division, appuient Les Échos. Le déclassement sera général et la « ligne d'arrivée de l'accord UE-Mercosur » symbolise déjà la perte d'influence française.
« Les agriculteurs sont très en colère contre le RN » (l'Opinion). Avec la censure, ils perdent la très attendue loi d'orientation agricole, mais aussi les avancées inscrites dans le projet de loi de finances et dans celui de la Sécurité sociale. Adieu réévaluation des retraites, ristournes sur le carburant agricole, baisse des cotisations sur la main-d'œuvre saisonnière ! La FNSEA encourage ses adhérents à aller "bramer" devant les permanences des élus RN. Les paysans se disent « trahis » et jurent de ne pas oublier.
Enfin, « l'alliance des extrêmes », concrétisée à l'occasion du vote de la motion de censure, inquiète. Le Parisien souligne la capacité du RN et de LFI à s'entendre pour « bloquer toute action politique ». L'Opinion souligne leur même fascination pour « l'homme fort ». Et Les Échos estiment que si la dissolution d'Emmanuel Macron a clarifié quelque chose, c'est le basculement de la France dans « le populisme et la démagogie ». Pour le quotidien, « l'alliance du RN et de LFI n'a rien de contre nature » tant ils se rejoignent sur bien des points : « même politique de moindre travail, même retraite à 62 ans, mêmes hausses salariales, mêmes subventions à gogo (retour du bouclier énergie), ils contestent en chœur l'Union européenne » et veulent l'abandon du soutien à l'Ukraine.
Le "kiff" immédiat du Président, c'est la réouverture de Notre-Dame, en grande pompe. Ursula von der Leyen sera là, le stylo encore chaud de la signature du Mercosur, ainsi que 35 chefs d’État ou de gouvernement. Donald in Paris, of course, avec Melania. Mais pas Joe Biden, pourtant toujours en poste et (contrairement à Trump) catholique pratiquant. Son épouse, Jill le représentera. La cérémonie se tiendra en 3 temps : une 1re phase « républicaine » avec Macron en meneur de revue, une « réouverture spirituelle », et enfin, une séquence festive. Amen.
« Le silence qui suit la musique de Mozart est encore du Mozart".
Laudate Dominum, KV 339 - Patricia Janečková - Soprano
Stéphanie Mesnier-Angeli est journaliste, écrivain et romancière.
Auteur entre autres de Barnabé - Le Roman d'un chat (Librinova, 2021), Tueuses mais pas trop (Fayard, 2015).
Egalement co-auteur de livres politiques (avec Claude Angeli): Les Micros du Canard (Les Arènes, 2014), En basse campagne (Grasset, 2002), Chirac, père et fille (Grasset, 2000), Fort Chirac (Grasset, 1999), Sale Temps pour la République (Grasset, 1997), Le Nid de serpents: bataille pour l'Elysée 1993-1995 (Grasset, 1995), Notre allié Saddam (Orban, 1992).
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