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DISONS SON NOM, PAKHSHAN AZIZI, ENCORE ET TOUJOURS, par Kamel Bencheikh, poète et écrivain


A l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre dernier à New York, on se souvient que la journaliste iranienne Narges Mohammadi, vice-présidente de l’association Defenders of Human Rights CentrePrix Nobel de la Paix 2023, a écrit de sa prison une lettre ouverte pour demander la libération des prisonniers politiques et la fin de la répression des femmes et de la société civile en Iran, dont celle de Pakhshan Azizi détenue à la prison d’EvinLa Cour suprême de la République islamique d’Iran devant laquelle elle avait introduit une recours vient de confirmer la condamnation à mort (prononcée en juillet 2024 par la 26e chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran) de la militante kurde iranienne de Mahabad, travailleuse humanitaire, féministe, en lien avec son appartenance présumée au Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK).


 

     La Cour suprême d’Iran vient d’apposer son sceau funeste sur le destin de Pakhshan Azizi, condamnant une vie innocente à la pendaison. Une vie qui n’a jamais brandi de fusil ni pris part à une bataille. Non, Pakhshan n’a fait que tendre la main, marcher parmi les exilés, soulager les cœurs brisés des camps du nord de la Syrie, là où s’amoncellent les ruines laissées par Daesh. Sous le joug des mollahs, il suffit d’un geste de bonté pour mériter la corde.

Dès que son nom fut inscrit dans les registres de l’injustice, son sort semblait scellé. Là-bas, les tribunaux ne sont que le théâtre macabre d’un verdict déjà écrit. Il n’y a ni justice ni équité, seulement la froide mécanique d’un État qui tue pour effrayer, un État qui assassine pour faire taire.

Pakhshan respire encore, mais l’air qui l’entoure se raréfie. Chaque seconde qui passe resserre l’étau de la mort autour d’elle. Le temps semble se précipiter, et l’ombre de l’exécution plane comme un corbeau patient.

Nous ne pouvons rester muets. Disons son nom, encore et toujours, que le vent le porte au-delà des murs et des frontières. Pakhshan Azizi. Chaque voix levée est une pierre contre l’oubli, une résistance à l’indifférence. Pakhshan Azizi. Si nous détournons les yeux, elle s’effacera, un nom de plus noyé dans l’océan des âmes broyées par la barbarie. Pakhshan Azizi.


Lettre poignante de Pakhshan Azizi, écrite de la prison des femmes d’Evin (juillet 2024), traduite en français et en anglais, communiquée par PEN (club d’échange et de partage des idées créé en 1921) : https://www.penclub.fr/communiques/traduction-de-la-lettre-de-pakhshan-azizi-ecrite-de-la-prison-des-femmes-devin-suivie-par-la-version-en-anglais/


Kamel Bencheikh est poète, écrivain, romancier et nouvelliste. Né à Sétif en Algérie, il vit à Paris depuis son adolescence. Il est chroniqueur, entre autres, au Matin d’Algérie.

Il a publié récemment un essai, L'islamisme ou la crucifixion de l'Occident, préfacé par le politologue Stéphane Rozès (éditions Frantz Fanon, novembre 2024), un recueil de poème Printemps de lutte et d’amitié, illustrations de Rose Driss (Éditions Kaïros, mai 2024), et un roman Un si grand brasier (Éditions Frantz Fanon, mars 2024), après L’Impasse (2020); également le recueil de Nouvelles La Reddition de l’hiver (éditions Frantz-Fanon, 2019) et plusieurs ouvrages de poésie : Préludes à l'espoir (Éditions Naaman, Coll. "Création", Canada, 1984), Jeune poésie algérienne. Anthologie de la poésie algérienne de langue française, introduction et choix par Kamel Bencheikh (Revue Traces, 1980), Poètes algériens d’expression française (Magasin Général Éditeur). Il a aussi contribué aux ouvrages collectifs La révolution du sourire (Éditions Frantz Fanon, 2019) qui rassemble dix auteurs et journalistes algériens, ainsi que Les années Boum (Éditions Chihab, 2016), réalisé sous la direction de Mohamed Kacimi, organisé autour de textes personnels d’auteurs ayant vécu la période Boumediène.

Militant laïque et des droits humains, ami de l'écrivain algéro-français Boualem Sansal détenu par les autorités d'Alger, Kamel Bencheikh est membre du comité de soutien créé à l’initiative de la Revue politique et parlementaire (RPP), présidé par Catherine Camus, fille d’Albert Camus et se démène pareillement pour obtenir sa libération.

 

Crédit photo : Alain Barbero

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