L’innovation numérique est une opportunité pour les pouvoirs publics, les entreprises, les citoyens transformant les rapports qu’ils entretiennent
entre eux. Les nouveaux outils numériques bouleversent les relations institutionnelles et le fonctionnement de la société, au bénéfice du « pouvoir d’agir » de chacun, de sa capacité à
participer et à contribuer à la décision et à la production. Les exemples sont nombreux, de l’utilisation des réseaux sociaux dans l’émergence de mouvements démocratiques à la mise en commun des
ressources dans les domaines du logement ou de la mobilité, en passant par l’association des citoyens à la décision publique sur un budget municipal ou un projet de loi.
Nous vivons une phase de mutation accélérée d’une économie des ressources rares, centralisée, vers une économie de l’abondance, décentralisée,
connectée, basée sur les données et leur circulation. Pour la France, l’enjeu est de préparer cet avenir pour accompagner cette innovation et le développement de nouveaux modèles : couverture du
territoire en téléphonie mobile et en très haut débit fixe, infrastructures pour l'exploitation des données publiques et privées, libération accrue de l’accès aux connaissances, accompagnement des
personnes numériquement démunies. C’est d’ailleurs là tout l’enjeu du projet de loi que je porte en France, la loi pour une République numérique, qui vise à mettre à jour le logiciel républicain sous
toutes ses composantes, à l’heure du numérique. Cette ambition doit en parallèle être développée et amplifiée au niveau européen.
Dans un désir de transparence démocratique, il est nécessaire que les États ouvrent les données publiques. Produites et conservées par l’État, elles
constituent une véritable ressource pour stimuler l’innovation économique et sociale grâce au numérique.
La France s’efforce de faire figure d’exemple, avec notamment l’ouverture du répertoire national qui enregistre l’état civil des entreprises et leurs
établissements, tous secteurs confondus. Neuf millions d’entités y sont répertoriées, ce qui fait de ce système la base de données la plus complète sur les entreprises en France. Actuellement payant,
l’accès à cette base sera gratuit dès le premier trimestre 2017. Cette ouverture des données permet le développement de nouvelles activités innovantes, comme par exemple aux Pays-Bas, où l’ouverture
des données météorologiques a permis la création d’un écosystème dynamique de ré-utilisateurs professionnels. Ces activités ont généré un retour de 35 millions d’euros pour les finances publiques
néerlandaises.
L’ouverture des données publiques représente également un levier pour l’amélioration des politiques publiques : la France a décidé d’ouvrir le
code source du logiciel de calcul de l’impôt sur le revenu. Dans les 48 heures qui ont suivi cette ouverture, une équipe de jeunes développeurs a proposé une optimisation de l’algorithme de
calcul, qui a permis de diviser par 1 000 le temps de calcul d’une simulation.
Le développement des jeunes pousses numériques, les start-up, requiert des modes de financement différents de ceux employés pour le développement
d’activités plus traditionnelles. Le soutien aux start-up engagé en France a conduit à la création d’un programme d’investissement dédié, au moyen d’une banque publique, qui a eu un impact
structurant sur le financement de l’écosystème start-up. Les résultats sont plus que positifs puisque, de 2014 à 2015, nous sommes passés de 897 millions d’euros levés à 1,8 milliards, soit une
hausse de 100 % en valeur.
Pour autant, l’innovation, numérique ou pas, ne se décrète pas. Le rôle de l’État reste avant tout celui d’un catalyseur. La valorisation des
écosystèmes de jeunes entreprises du numérique, à chaque stade de croissance, au niveau national ou mondial, est une priorité. C’est cet esprit qui a animé la création en France de la « French
Tech », qui fédère nos innovateurs autour d’un label clair.
Toutefois, les entreprises ne sont pas toutes des start-up naturellement plongées dans cet univers numérique, et il faut pouvoir les aider. Les
entreprises françaises sont certes plutôt bien équipées en outils numériques – fin 2013, 99 % d’entre elles disposaient d’une connexion internet haut-débit – mais seulement 64 %
des petites et moyennes entreprises disposaient d’un site web, et seules 25 % vendaient leurs produits via internet. À l’ère du numérique, les entreprises qui en sont exclues ne peuvent
faire face à la compétitivité du marché. Là encore, le rôle de l’État est aussi sur le terrain, à travers des correspondants locaux, pour sensibiliser et accompagner ces entreprises dans
l’appropriation des nouveaux outils numériques.
Une révolution industrielle est en marche, mais elle ne sera possible que si chaque citoyen en est acteur. La couverture en internet fixe et mobile du
territoire est nécessaire pour que chacun bénéficie des potentialités grandissantes du numérique. Non seulement parce que les besoins en capacité réseau et en fréquences augmentent, mais aussi et
surtout parce que trop de citoyens sont coupés de la transition numérique mondiale.
C’est aussi par la formation au numérique que cette transition sera possible, comme en témoigne la demande grandissante de nouvelles compétences. Les
entrepreneurs peuvent en attester : il leur est difficile de recruter. Pour créer ces emplois dans des nouveaux secteurs d’activités liés au numérique, il faut repenser les formations.
Le numérique va vite. Il n’est pas possible de faire marche arrière et de le stopper. Le numérique doit relever de grands défis comme réduire la
fracture sociale et économique, et le chômage. Mais comment le pourrait-il si son accès est limité aux plus favorisés ? La connexion à internet deviendra naturellement un droit. L’État doit être
aux côtés des citoyens les moins connectés et les moins aptes à utiliser ces technologies, là encore pour les accompagner.
C’est ainsi que nous pourrons continuer à faire société.